20.12.12

regardez autour de vous, vous qui m'êtes chers.

Rome est tombée mais n'est-ce pas, en vérité, comme s'il ne s'était rien passé ? La course des astres n'est pas troublée, la nuit succède au jour qui succède à la nuit, à chaque instant, le présent surgit du néant, et retourne au néant, vous êtes là, devant moi, et le monde marche encore vers sa fin mais il ne l'a pas encore atteinte, et nous ne savons pas quand elle l'atteindra,
Le sermon sur la chute de Rome, Jérôme Ferrari. p 200 (Actes Sud 2012)

18.12.12

21.12.2012 ... et si c'était l'inverse

 CNRS
Le CNRS démonte la fin du monde le 21 décembre. Dans une vidéo, l'institut de recherche explique comment est né de façon erronée le mythe.
Les mayas n'ont jamais prophétisé la fin du monde le 21 décembre 2012 : pour ceux qui en douteraient encore, le CNRS a mis en ligne une vidéo qui, en seulement 14 minutes, balaie amalgames et approximations et décrit en détail le calendrier maya.
« 4 ahau 3 kankin », qui correspondrait selon certains chercheurs au 21 décembre 2012 de notre calendrier, marque dans le calendrier maya la date de la fin d'un grand cycle, explique Jean-Michel Hoppan, archéologue et spécialiste de l'écriture maya. Cette date, qui suscite tant de fantasmes, a été trouvée gravée sur un fragment d'une imposante stèle de pierre taillée, le « Monument 6 », conservé sur le site archéologique de Mucuspana, à El Tortuguero (sud du Mexique).
L'allusion à la fin du grand cycle « n'est pas présentée comme étant un cataclysme, une destruction du monde », souligne le spécialiste. Au contraire, elle mentionne le retour d'une divinité (Bolonyocte) « qui remet le temps en marche ». « Donc on a plutôt en fait un message de reconstruction plutôt que de destruction », ajoute-t-il.
Le film d'Hervé Colombani et Didier Ozil explique aussi qu'il n'existe à ce jour aucune représentation connue du calendrier maya. La « Pierre du Soleil », souvent présentée comme telle, « est en fait un calendrier aztèque et qui ne mentionne absolument pas la date à laquelle on fait correspondre le 21 décembre 2012 », précise Jean-Michel Hoppan. (source CNRS/AFP/Les Echos)

insularité

« Il n'a pas besoin de voir la mer pour rêver, les rêves de Marcel ne se nourrissent ni de contemplation ni de métaphore mais de combat, un combat incessant mené contre l'inertie des choses qui se ressemblent toutes, comme si, sous l'apparente diversité de leurs formes, elles étaient faite de la même substance lourde, visqueuse et malléable, même l'eau des fleuves est trouble et, sur les rivages déserts, le clapotis des vagues exhale un écœurant parfum de marais, il faut lutter pour ne pas devenir inerte soi-même et se laisser lentement engloutir comme par des sables mouvants, et Marcel mène encore un combat incessant contre les formes déchaînées de son propre corps, contre le démon qui s'acharne à le clouer au lit, la bouche pleine d'aphtes, la langue rongée par le flux des sucs acides, comme si une vrille avait creusé dans sa poitrine et dans son ventre un puits de chair à vif, il lutte contre le désespoir d'être sans cesse cloué au fond d'un lit humide de sueur et de sang, contre le temps perdu, il lutte contre le regard las de sa mère, contre le silence résigné de son père en attendant d'avoir regagné, en même temps que ses forces, le droit d'être là, dans la cour de l'école primaire de Sartène, la vue bouchée par la barricade des montagnes.»

Le sermon de la chute de Rome, Jérôme Ferrari. p 67 (Actes Sud 2012)

hamour

« Il la suivait dans les draps qui sentaient le moisi où il dut supporter qu'elle lui fît jusqu'au bout l'affront de son impassibilité, il sentait la chaleur à l'endroit où leurs ventres se rejoignaient et se mêlaient comme des cloaques de reptiles, ils sentait la moiteur de ses seins pressés contre sa poitrine, de ses jambes contre les siennes, des images intolérables naissaient dans l'esprit de Marcel, il était une bête, un grand oiseau vorace et frémissant qui s'enfouissait jusqu'au cou dans les entrailles d'une charogne, car elle conservait l'impassibilité obscène d'une charogne, ses yeux morts levés vers le plafond, et là où leurs peaux se touchaient, à chaque point de contact, des fluides s'échangeaient, la lymphe transparente, les humeurs intimes, comme si son corps devait garder à jamais, dans une hideuse métamorphose, la trace du corps de cette femme qu'il ne reverrait plus et dont il ne savait pas le nom, et il se redressa brutalement pour s'habiller et partir. »

Le sermon de la chute de Rome, Jérôme Ferrari. p 74 (Actes Sud 2012)

5.12.12

considerations 1

crise, passage d'un état à un autre
passage soit mouvement
ne pas s'y attarder
ni pire s'y complaire
= brèche

30.11.12

justice

La résolution votée ce jour, qui fait de la Palestine un Etat observateur non membre de l'Organisation des nations unies, revêt n'en doutons pas une puissante dimension symbolique inappréciable. Les trois mots accolés dans la bible du droit international -Etat Palestine Onu- laissent franchir à l'histoire un pas décisif. Certes, il ne s'agit pas de la reconnaissance pleine et entière d'un Etat palestinien mais les mots portent en eux-mêmes, intrinsèquement, la force potentielle du sens de l'histoire.
La résolution, votée à une écrasante majorité - mais pas à l'unanimité loin s'en faut car La voix américano-israélienne... -  ne revêt pas pour autant la marque d'une hostilité à l'égard d'Israël, pas davantage qu'un blanc seing accordé à l'insécurité régionale. La paix ou plutôt la perspective de paix et de négociations entre israéliens et palestiniens (aujourd'hui totalement dans l'impasse) constituent le lit du courant qui anime le texte adopté. On pourra vaticiner sur l'emploi des mots et leur articulation -c'est d'ailleurs leur caractère aléatoire qui permet les gymnastiques sémantiques les plus ambitieuses voire opposées mais, partant, également leur neutralité bienveillante- les mots sont là désormais. Et ce n'est pas peu que de noter que le passage de "l'entité"* à "l'Etat observateur" est une avancée conséquente.
Pour applaudir, on pourrait se contenter de dire qu'il s'agit d'un simple retour aux sources, puisque l'adoption du plan de partage de la Palestine mandataire par l'assemblée générale de l'ONU en 1947 prévoyait l'établissement d'un Etat juif et d'un Etat arabe, en équivalence: ce même 29 novembre. L'Etat juif, ce sera moins d'un an plus tard; l'arabe palestinien, ce ne sera toujours pas... soixante cinq ans plus tard.
Pour s'inquiéter, on peut par exemple relever le fâcheux précédent de l'Unesco qui, ayant adopté en 2011 une démarche globalement similaire, s'est vue à titre d'agence internationale soustraite instantanément au financement des Etats-Unis et réduite de facto d'un cinquième de son budget. Mais bon, à mesurer tous les risques et vouloir s'en prémunir, aucune avancée d'aucune sorte ne serait possible. Cela est vrai de l'organisation des Etats, comme de l'existence à part entière de chaque habitant de la planète.
Pour ma part, à l'annonce de l'adoption Onusienne, je revois et revis ce moment d'exception qu'a constitué à Tel Aviv dans l'enceinte du parlement israélien un 4 mars 1982 le discours de François Mitterrand, citant pour la première fois et avec un certain courage politique on ne peut que le reconnaître, le mot d'Etat palestinien: à l'intérieur de la Knesset donc devant toute la représentation nationale israélienne. Dans les travées parlementaires et aussi dans les gradins réservés à la presse, un vent très particulier a soufflé ce jour là, ce vent de l'histoire déjà et encore. Ce souffle caractéristique, je le ressens à nouveau -non à quelques rangées de sièges de députés attentifs et circonspects mais aujourd'hui à distance d'un océan- tel qu'à chaque fois il pénètre finalement les forteresses les mieux gardées, ainsi que les murs les plus sûrement érigés. 29 novembre aussi, pleine lune.
*les palestiniens sont une "entité" observatrice à l'ONU depuis 1974

20.11.12

15.11.12

dialogue

" Lorsque deux amis, comme toi et moi, sont en humeur de causer, il faut en user d'une manière plus douce et plus dialectique. J'entends par "plus dialectique" que non seulement on fait des réponses vraies, mais que l'on ne fonde sa réponse que sur ce que l'interlocuteur reconnaît savoir lui-même." Platon, Ménon 
Un vrai dialogue n'est possible que si l'on veut vraiment dialoguer. Comme l'analyse de facon remarquable et très détaillée Pierre Hadot dans un de ses nombreux essais sur les philosophes Grecs (Qu'est-ce que la philosophie antique, éd. Gallimard 1996) :" grâce à cet accord entre interlocuteurs, renouvelé à chaque étape de la discussion, ce n'est pas l'un des interlocuteurs qui impose sa vérité à l'autre; bien au contraire, le dialogue leur apprend à se mettre à la place de l'autre, donc à dépasser leur propre point de vue. Grâce à leur effort sincère, les interlocuteurs découvrent par eux-mêmes, et en eux-mêmes, une vérité indépendante d'eux, dans la mesure où ils se soumettent à une autorité supérieure, le logos. (...) D'ailleurs ce logos ne représente pas une sorte de savoir absolu; il s'agit en fait de l'accord qui s'établit entre des interlocuteurs qui sont amenés à admettre en commun certaines positions, accord dans lequel ceux-ci dépassent leur points de vue particuliers. " Référence est là directement faite aux travaux de E.Heitsch, Erkenntnis und Lebensführung (1994)

13.11.12

assurance et cohérence

Première conférence de presse du quinquennat François Hollande








 



Ne pas se fier pas aux apparences, le temps long est bien une valeur d'avenir. Les chiens aboient et la caravane passe.

7.11.12

forward, it's know


16.10.12

50 and counting

YES!

15.10.12

pré psy

« Quand le passionné s'est assuré qu'il n'est pas malade, et que rien ne l'empêche, pour l'instant, de vivre bien, il en vient à cette réflexion : "Ma passion, c'est moi ; et c'est plus fort que moi."
Il y a toujours du remords et de l'épouvante dans la passion, et par raison, il me semble ; car on se dit : "Devrais-je gouverner si mal ? Devrais-je ressasser ainsi les mêmes choses ?" De là une humiliation. Mais une épouvante aussi, car on se dit : "C'est ma pensée même qui est empoisonnée ; mes propres raisonnements sont contre moi ; quel est ce pouvoir magique qui conduit ma pensée ?" Magie est ici à sa place.
Beaucoup ont écrit là-dessus ; et les stoïciens nous ont laissé de beaux raisonnements contre la crainte et contre la colère. Mais Descartes est le premier, et il s'en vante, qui ait visé droit au but dans son Traité des Passions. Il a fait voir que la passion, quoiqu'elle soit toute dans un état de nos pensées, dépend néanmoins des mouvements qui se font dans notre corps ; c'est par le mouvement du sang, et par la course dont on ne sait quel fluide qui voyage dans les nerfs et dans le cerveau, que les mêmes idées nous reviennent, et si vives, dans le silence de la nuit. Cette agitation physique nous échappe communément ; nous n'en voyons que les effets ; ou bien encore nous croyons qu'elle résulte de la passion, alors qu'au contraire c'est le mouvement corporel qui nourrit les passions. Si l'on comprenait bien cela, on s'épargnerait tout jugement de réflexion, soit sur les rêves soit sur les passions qui sont des rêves mieux liés ; on y reconnaîtrait la nécessité extérieure à laquelle nous sommes tous soumis, au lieu de s'accuser soi-même et de se maudire soi-même. On se dirait : "Je suis triste ; je vois tout en noir ; mais les évènements n'y sont pour rien ; mes raisonnements n'y sont pour rien ; c'est mon corps qui veut raisonner ; ce sont des opinions d'estomac." »
homonyme, 9 mai 1911

Ich weiß nicht was soll es bedeuten,


8.10.12

DSK auto portrait


DSK, cet homme du séisme, fait pourtant partie de ces dirigeants qui n’ont pas vu venir le séisme financier…
Là, ce n’est pas un séisme, c’est un Gouffre. Un Gouffre qui est devenu l’autre face du monde. DSK n’est qu’un homme de paille du néolibéralisme. Il n’est pas du tout le grand économiste qu’on décrit habituellement. Il n’a jamais rien produit. On attend toujours son prix Nobel, qu’il annonçait vaniteusement à ses camarades de fac à 20 ans. C’est un keynesien-schumpeterien classique, n’importe quel prof d’économie en première année en sait autant que lui.
Au fond, c’est un fumiste qui raconte bobard sur bobard depuis qu’il a vingt ans. Ses derniers discours en tant que chef du FMI sont aberrants. Il passe son temps à dire que tout va mieux, que la nouvelle gouvernance mondiale va tout arranger, qu’il est optimiste pour les Grecs, etc. Ce n’est même pas du cynisme: il s’en fout. Ce n’est pas du tout un homme de parole. Contrairement à Nafissatou Diallo, lui n’est pas habité par le Verbe. De ce point de vue, spirituellement, il est très peu juif. Il faut choisir entre étudier la Torah et se taper des putes à longueur de temps ! Les mots ne lui coûtent rien. Ils ne lui servent qu’à donner le change. Son désir est ailleurs. Son désir, on le trouve dans sa passion pour les échecs, ou dans ses textos: «J’emmène une petite faire les boîtes de Vienne.»

Extrait de l'entretien accordé au Nouvel Observateur par Stéphane Zagdanski, auteur de "Chaos brûlant" (Seuil) Texte intégral de l'entretien.

6.10.12

fin d'un exil

« Je regarde les vagues légères d'un nouveau jour sur l'Atlantique.
Le bateau laisse de chaque côté de sa proue une déchirure blanche, bleue et sulfurique d'eau, d'écume et d'abîmes remués.
Ce sont les portes de l'océan qui tremblent.
Au-dessus passent les minuscules poissons volants, faits d'argent transparent.
Je reviens de l'exil.
Je regarde longuement ces eaux sur lesquelles je navigue vers d'autres eaux : les vagues tourmentées de ma patrie.
Le ciel d'une longue journée couvre tout l'océan.
Puis la nuit viendra qui cachera de son ombre une fois encore le grand palais vert du mystère. »

Pablo Neruda (1973)

engagement


La patrie dans les ténèbres
« Ma poésie et ma vie ont couru comme un fleuve américain, comme un torrent du Chili, né dans la profondeur secrète des montagnes australes et dirigeant inlassablement vers une issue marine le mouvement de ses eaux. Ma poésie n'a rien rejeté de ce qu'a charrié son courant ; elle a accepté la passion, elle a développé le mystère, elle s'est frayée un chemin dans le cœur du peuple.
Mon destin a été de souffrir et de lutter, d'aimer et de chanter ; le triomphe et la défaite ont été mon lot en ce monde, et j'ai connu le goût du pain et j'ai connu le goût du sang. Que peut désirer d'autre un poète ? Toutes les alternatives, celles qui vont des larmes aux baisers, de la solitude à la chaleur populaire, durent et agissent dans ma poésie, car j'ai vécu pour elle et elle a nourri mes combats. Si j'ai reçu nombre de prix, des prix fugaces comme des papillons au pollen fugitif, j'ai obtenu un prix suprême, un prix que beaucoup dédaignent mais qui, en réalité, est pour beaucoup inaccessible. Je suis arrivé, au long d'une dure leçon d'esthétique et de recherche, à travers les labyrinthes de la parole écrite, à être le poète de mon peuple. C'est là ma récompense, et non les œuvres et les poèmes traduits ou les livres rédigés pour décrire ou disséquer mes mots. Ma récompense est ce moment grave de ma vie où, au fond du charbon de Lota, en plein soleil dans la salpêtrière ardente, un homme est monté de la fosse comme on remonte de l'enfer, le visage transformé par le travail terrible, les yeux rougis par la poussière et, me tendant sa main durcie, cette main qui porte la carte de la pampa dans ses cals et ses rides, m'a dit, les yeux brillants : « Il y a longtemps que je te connais, mon frère. » oui, c'est le laurier de ma poésie, ce trou dans la pampa redoutable, d'où sort un ouvrier à qui le vent, la nuit et les étoiles du Chili ont répété maintes et maintes fois : « Tu n'es pas seul ; il existe un poète qui pense à tes souffrances. »
J'adhérai au Parti Communiste le 15 juillet 1945. »
J'avoue que j'ai vécu, de Ricardo Neftali Reyes Basolato (Pablo Neruda)

multifonctions

Je suis un couteau suisse


21.9.12

une image vaut dix mille mots

et un dessin...

9.8.12

Este discurso no será olvidado

Discurso do presidente uruguaio, durante a Conferência das Nações Unidas sobre Desenvolvimento Sustentável, Rio+20

"La crise mondiale est d'abord po-li-tique"

Este discurso no será olvidado ?

29.7.12

poésie tremblante

On ne se soigne pas
De la vie
attribuée

a.s.-d.
dit deker

poème intégral

AU BORD DE LA FALAISE
Dans des hôtels qui avaient l'air d'organismes
     vivants.
Dans des hôtels pareils à l'intérieur d'un chien de
     laboratoire.
Enfoncés dans la cendre.
Ce type-là, à moitié nu, mettant la même chanson
     encore et encore.
Et une femme, la projection holographique d'une
     femme, sortait sur la terrasse
contempler le cauchemar ou les éclats.
Personne ne comprenait rien.
Tout était raté : le son, la perception de l'image.
Des cauchemars ou des éclats encastrés dans le ciel
à neuf heures du soir.
Dans des hôtels qui avaient l'air d'organismes
     vivants de films de terreur.
Comme lorsqu'on rêve qu'on tue quelqu'un
qui n'en finit jamais de mourir.
Ou comme cet autre rêve : celui du type qui évite
     une agression
ou un viol et cogne sur l'agresseur
jusqu'à mettre ce dernier par terre et là il continue à
     le cogner
et une voix (mais quelle voix ?) demande à
     l'agresseur
comment il s'appelle
et l'agresseur dit ton nom
et tu arrêtes de cogner et dis ce n'est pas possible,
     c'est mon nom,
et la voix (les voix) disent que c'est un hasard,
mais toi dans le fond tu n'as jamais cru aux hasards.
Tu dis : on doit être parents, tu es le fils
de l'un de mes oncles ou de mes cousins.
Mais lorsque tu le relèves et que tu le regardes, si
     maigre, si fragile,
Tu comprends que cette histoire aussi est un
     mensonge.
C'est bien toi l'agresseur, le violeur, l'inepte
     braqueur
Qui erre dans les rues inutiles du rêve.
Alors tu retournes aux hôtels-coléoptères,
     aux hôtels-araignées,
lire de la poésie au bord de la falaise.

les chiens romantiques (extraits), Roberto Bolaño et Roberto Amutio pour la traduction de l'espagnol (Chili). Christian Bourgois éd.

Un amour le mors aux dents

AUTOPORTRAIT À VINGT ANS
(...) Alors,
malgré la peur, je me suis abandonné, j'ai collé ma joue
à la joue de la mort.
Et il m'a été impossible de fermer les yeux et de ne pas voir
cet étrange spectacle, étrange et lent,
et pourtant encastré dans une réalité effrénée :
des milliers de jeunes gens comme moi, glabres
ou barbus, mais latino-américains tous,
joue contre joue avec la mort.

RÉSURRECTION
La poésie, courageuse comme personne.* (...)
La poésie se glisse dans le rêve
pareille à un plongeur mort
dans l'oeil de Dieu.
(*à nouveau dans : LE VER : la poésie est courageuse comme personne)

LA FRANCAISE
La vieillesse pour elle c'était il y a trente ans,
La guerre de Trente Ans,
Les trente ans du Christ lorsqu'il a commencé à prêcher,
Un âge comme un autre, lui disais-je pendant que nous dînions
à la lueur des bougies
Contemplant le flux du fleuve le plus littéraire de la planète. (...)
Un amour qui n'allait pas durer longtemps
Mais qui finalement allait se révéler inoubliable.
C'est ce qu'elle a dit,
Assise à côté de la fenêtre,
Son visage suspendu dans le temps,
Ses lèvres : les lèvres d'une statue.

LE SINGE EXTÉRIEUR
(...) déployait
ses armes sous la caverne de Platon : images,
ombres sans substance, souveraineté du vide.

SALE, MAL HABILLÉ
Sur le chemin des chiens mon âme a trouvé
mon coeur. Brisé mais vivant, sale, mal habillé et plein d'amour.
Sur le chemins des chiens, là où personne ne peut aller.
(...) Jusqu'à ce qu'enfin mon âme trouve mon coeur.
Il était malade, c'est vrai, mais il était vivant.

LES DÉTECTIVES PERDUS
Et toi, tu ne peux même pas te rappeler
Où se trouvent la blessure.
Les visages qu'une fois tu as aimés,
La femme qui t'a sauvée la vie.

LE FANTÔME D'EDNA LIEBERMAN
Ses yeux sont le livre
le plus recherché.

DINO CAMPANA RÉVISE SA BIOGRAPHIE
DANS L'ASILE D'ALIÉNÉS DE CASTEL PULCI
J'ai entendu les avertissements et les alertes mais je
n'ai pas su les déchiffrer..
Ce n'était pas à moi qu'ils étaient destinés sinon à
ceux qui dormaient,
mais je n'ai pas su les déchiffrer.

PALINGÉNÉSIE
J'étais en pleine conversation avec Archibald
MacLeish dans le bar Los Marinos
De la Barceloneta lorsque je l'ai vue apparaître, une
statue de plâtre
Marchant avec difficulté sur les pavés. (...)
J'ai été d'accord avec lui sans
comprendre complètement ses paroles
Et j'ai fermé les yeux. À mon réveil, MacLeish était
parti. La statue
Était là, dans la rue, ses restes épars entre l'irrégulier
Trottoir et les vieux pavés. Le ciel, des heures
auparavant, était devenu
Noir comme une rancune indépassable. Il va
pleuvoir, a dit un enfant
Pieds nus, tremblant sans raison apparente. Nous
nous sommes regardés un moment :
Du doigt il a monté les morceaux de plâtre sur le
sol. De la neige, a-t-il dit.
Ne tremble pas, ai-je répondu, il ne va rien arriver,
le cauchemar, quoique proche,
Est passé sans presque nous toucher.

LE DERNIER CHANT D'AMOUR
DE PEDRO J. LASTARRIA,
ALIAS " EL CHORITO "
Ma vie a été une suite
D'occasions perdues,
Lecteur de Catulle en latin
J'ai à peine eu assez de courage pour prononcer
Sine qua non ou Ah hoc
À l'heure la plus amère
De ma vie. (...)
Moi aussi j'ai été élégant et généreux :
J'ai su apprécier les tempêtes,
Les gémissements de l'amour dans les baraques
Et le pleur des veuves,
Mais l'expérience est une escroquerie.

NI CRU NI CUIT
Comme qui tisonne dans un brasero éteint.
Comme qui remue les charbons et se souvient.
La Tempête de Shakespeare, mais une pluie sans fin.
Comme qui observe un brasero qui exhale des gaz toxiques
dans une grande pièce vide. (...)
Et La Tempête de Shakespeare
Ne faiblit pas dans cette île maudite.
Ah, comme qui remue les braises
et aspire à pleins poumons.

LES PAS DE PARRA
Le Chili est comme un couloir long et étroit
Sans issue apparente
(...)
La révolution s'appelle Atlantide
Et elle est féroce et infinie
Mais elle ne sert à rien.

LES CHIENS ROMANTIQUES
Et parfois je retournais en moi
et je rendais visite au rêve : statue qui s'éternise
en des pensées liquides,
un ver blanc qui se tord
dans l'amour.
Un amour le mors aux dents.

les chiens romantiques (extraits), Roberto Bolaño et Roberto Amutio pour la traduction de l'espagnol (Chili). Christian Bourgois éd.

AUDIENCE

& RÉSONANCE

ne parvenant pas* à modifier le profil de ma page d'accueil, je complète ainsi ce qui désignera désormais -au moins de façon induite- le désormais intitulé de ce blog : AUDIENCE & RÉSONANCE

*par impéritie et incapacité congénitale à l'exigence informatique

17.7.12

vous avez dit Mali !...

Allez, quelques minutes de fraîcheur avant que les T ne s'entremêlent dans la course-poursuite des amalgames et des approximations -inéluctable, inéluctable, mon cher Watson- Touareg-Ténéré-Tchad-Terrorisme-T..., avec Tinariwen* :
et tous nos remerciements pour ce film à Andy Morgan et Philippe Brix
*qui a su troquer avant l'heure les kalachnikov pour des guitares, notamment

15.7.12

enfants

mes enfants, vos enfants, nos enfants, les enfants, enfants ...
« Vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l'appel de la vie à elle-même, ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas, vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leur corps mais non leurs âmes, car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux mais ne tentez pas de les faire comme vous, car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier. »
Khalil Gibran, Le Prophète (trad. Salah Stétié)

7.7.12

vous avez dit feng shui !

insouciante promenade via augusta
L'évidence de ce cliché m'est venue en croisant tout à l'heure la via Augusta par travessera de Gracia : ce bas d'immeuble, que j'ai remarqué en particulier lorsque nous habitions à proximité placa de la Llibertat, est serti d'une enfilade bien armée de triangles de métal et verre, directement pointée vers nos crânes innocemment passants. Or, il se trouve que précisément quelques heures auparavant, je découvrais affichée en référence de l'excellent site d'Hélène Weber, la photo d'un immeuble d'angle(s) désigné par la grande prêtresse du feng shui comme (très) mauvais exemple architectural, transgressant violemment les règles de base d'une construction harmonieuse. J'ai donc été saisi aujourd'hui de la coïncidence, qui comme chacun le sait en est rarement une.

6.7.12

Boson de Higgs, une autre lecture

Lecture 1 :
« Ananda, l'être et le non-être sont des concepts en désaccord avec la réalité car celle-ci transcende les limitations conceptuelles. Une personne éveillée a dépassé les notions d'être et de non-être.
« Ananda, non seulement l'être le non-être sont vides, mais la naissance et la mort le sont aussi, n'étant, pareillement, que des concepts.
Le vénérable Ananda demanda :
– Vénéré Maître, si la naissance et la mort sont vides, pourquoi dites-vous si souvent que tous les dharmas sont impermanents, naissent et disparaissent constamment ?
– Ananda, à un niveau conceptuel et relatif, nous parlons de dharmas naissant et disparaissant, mais, du point de vue de l'absolu, ils sont, par nature, ni nés ni morts.
– S'il vous plaît, Vénéré Maître, expliquez-nous ceci.
– Ananda, prenez l'exemple de l'arbre de la Bodhi que vous avez planté en face de la salle de Dharma. Quand est-il né ?
– Vénéré Maître, il est né il y a quatre ans, au moment même où la graine a donné des racines.
– Ananda ! Avant cela, l'arbre de la Bodhi existait-il ?
– Non, Vénéré Maître, pas avant cela.
– Voulez-vous dire qu'il a surgi du néant ? Un quelconque Dharma peut-il naître du vide ?
Ananda demeura silencieux.
Le Bouddha poursuivit :
– Ananda, il n'y a aucun dharma dans tout l'univers qui surgisse du néant. Sans la graine, il n'y aurait pas eu d'arbre de la Bodhi. Il est la continuation de la graine. Avant que la graine ne plonge ses racines dans la terre, l'arbre de la Bodhi était déjà présent en elle. Si un dharma existe déjà, comment peut-il naître ? La nature de l'arbre de la Bodhi est dépourvue de naissance. Ananda, après que la graine a plongé ses racines dans la terre, meurt-elle ?
– Oui, Vénéré Maître, afin de donner naissance à l'arbre.
– Ananda, la graine ne meurt pas ! Mourir veut dire passer de l'existence à la non-existence. Y a-t-il un seul dharma dans tout l'univers pouvant aller de l'existence à la non-existence ? Une feuille, un grain de poussière, un filet de fumée d'encens – rien de cela ne peut passer de l'existence à la non-existence. Tous ces dharmas se transforment simplement en d'autres dharmas. C'est ce qui arrive aussi à la graine bodhi. Elle ne meurt pas et se transforme en arbre. La graine et l'arbre sont tous deux sans naissance et sans mort. Ananda, la graine et l'arbre, vous, moi, les bhikkhus, un filet de fumée d'encens – tous, nous sommes sans naissance et sans mort.
« Ananda, tous les dharmas sont sans naissance et sans mort, qui ne sont que des concepts mentaux. Tous les dharmas ne sont ni pleins ni vides, ni créés ni détruits, ni souillés ni immaculés, ni croissant ni décroissant, ni allant ni venant, ni un ni plusieurs. Tout ceci n'est qu'illusion ! Grâce à la contemplation sur la nature vide de tous les dharmas, il est possible de transcender tous les concepts discriminatoires afin de réaliser la vraie nature que le monde de la naissance et de la mort, de la plénitude et de la vacuité, au devenir et à la dissolution ?
« Ananda, ne vous êtes-vous jamais arrêté au bord de la mer pour observer les vagues naître et mourir à la surface de l'eau ? La non-naissance et la non-mort sont comme cette eau, comme ces vagues. Ananda, il y a de longues et de courtes vagues, de hautes et de basses. Les vagues naissent et disparaissent mais l'eau reste. Sans eau, il n'y aurait pas de vagues. Les vagues retournent à l'eau. Elles sont l'eau, l'eau est les vagues. Bien qu'apparaissant et disparaissant, si les vagues comprenaient qu'elles sont elles-mêmes de l'eau, elles transcenderaient les notions de naissance et de mort, ne se feraient plus de souci, n'auraient plus peur, ou ne souffriraient plus à cause de la naissance et la mort.»
Thich Nhat Hanh, Sur les traces de Siddharta (1998)
jeune (future) ingénieure observant l'impermanence et l'interdépendance du mouvement des vagues sur le rivage de Bogatell, aujourd'hui
Lecture 2 :
Deker questionne Maître Tran Thanh :
« Dans la méditation, tu veux maîtriser.
– Oui  Deker, maîtriser, et tu penses que tu maîtrises parce que tu es dans la technique et que tu vides la tête. C’est ce que pensent en gros la plupart de ceux qui font la méditation : « je bloque, je vide la tête et je médite. » Mais, en réalité, ce n’est pas ça. Car lorsque tu arrives à maîtriser, tu crées une mémoire du corps. Cela reste mais ce n’est pas toi, tu ne fais que suivre un système que tu connais. Tu es limité. Inconsciemment, tu transportes avec toi ce que tu connais.
– Donc à ce niveau tu n’es jamais surpris ?
– Non, jamais surpris, puisque tu es dans le code. Bien sûr, cela apporte du bien-être et fait circuler, mais ce n’est pas cette exploitation profonde dont nous parlons. Ici, on bouleverse tout le système. Il faut atteindre la masse noire subtile pour être dans sa méditation. C’est un parcours de connaissance de sa propre création. Et là, les autres le nomment comme « grand »  car il exploite au delà de tout le système. C’est lui qui ensuite indique le processus par lequel, à leur tour, les autres vont suivre. Mais, si on le suit, on est déjà dans la limite ! Et rebelote.
– Une copie, si parfaite soit-elle, n’atteint jamais la valeur de l’original.
– Hé oui Deker, on est au dessous ! Il n’y a qu’un seul Picasso et un seul Matisse, mais tout le monde peut faire, de manière différente.
– Chacun est Picasso... sauf le résultat.
– Dans le processus, tu as ta propre masse subtile. Tout ce que tu as appris Deker, ce n’est ni bon ni mauvais, mais tu laisses de côté, il faut aller au-delà.
– La « masse noire subtile », comme... ?
– Comme toutes les cellules et tous les tissus, et leur combinaison qui se relie à tout.
– Un état latent potentiel donc, non fini...
– … dans le mouvement imperceptible.
– Dans la partie, tu es alors dans le tout, en interaction permanente ?
– La goutte d’eau elle est la mer, impossible à diviser. Alors que les hommes, eux, veulent diviser.
– Auto-limitation donc, telle la marée humaine. Vanité des vanités !
– Comme pour la masse noire subtile... Cette marée humaine avance dans l’ignorance, jusqu’à ce que l’humain prenne conscience que cette masse, elle existe et elle suit. La masse noire subtile est intacte, unique, authentique, et à toi seul.
– Alors notre royaume, c’est la masse noire ?
– Ah, mais voilà Deker, tu arrives à la conclusion : « Notre Royaume est notre masse noire subtile, intacte car tout le reste est affecté ».
– Et le « central », tu le situais au cœur, ne serait-ce pas finalement la masse subtile ?
– La masse subtile, c’est évident, mais je ne trouvais pas le mot exact pour exposer ! Parce que les chinois disent que « le cœur c’est central », mais le caca est une création intégrale de l’homme par la transformation dans un parfum unique et distinct à chaque être humain.
– « Sourire à son caca »... la masse subtile est un éther !
– Au-delà de l’oxygène, un état tout ce qu’il y a de réel. »
Extrait de dialogues Tran Thanh avec Deker, in Transition (2006)


Lecture 3 :
« L’Éveillé raconta alors à ses disciples la fable suivante :
Il était une fois un roi très intelligent qui invita plusieurs aveugles de naissance à visiter le palais. Il leur amena un éléphant et leur demanda de le toucher, puis de le décrire. Celui qui toucha ses jambes déclara qu'un éléphant ressemblait aux piliers d'une maison. L'homme qui effleura sa queue affirma qu'il était comme un plumeau. La personne qui palpa ses oreilles attesta qu'il s'apparentait à un panier en osier, et celui qui lui frotta le ventre témoigna que c'était un tonneau rond. La personne qui lui caressa la tête le trouva semblable à une jarre en terre, et celui qui se frotta à sa trompe, à un bâton. Quand ils se retrouvèrent pour discuter de ce qu'était un éléphant, personne ne tomba d'accord avec son voisin, et une violente dispute s'ensuivit.
Bhikkhus, ce que vous voyez et entendez n'est qu'une petite partie de la réalité. Si vous considérez ceci comme la réalité dans son intégralité, vous finirez pas en avoir une vision déformée. Une personne sur le chemin doit garder un cœur humble et tolérant. »
Thich Nhat Hanh (ibid)
groupe de voyants autour du mammouth au parc de la Ciutadella, aujourd'hui

4.7.12

"politique générale"?

politique et générale s'accordent-ils encore, ou ne frise-t-on pas à l'oxymore? Cette question me trottait à l'arrière de l'occiput alors que je suivais des oreilles -et aussi un peu des yeux par la magie du net- le discours de Jean-Marc Ayrault, inaugurant à la tribune de l'Assemblée Nationale le quinquennat naissant.
Des discours de politique générale j'en ai suivi un paquet, je peux dire; tous même, de près ou de loin, depuis celui célèbre et fondateur -pour ma génération- de la Nouvelle Société. Celui-là c'était d'ailleurs de très près, dans la loge même de l'hémicycle dévolue à la famille de l'orateur Jacques Chaban-Delmas. Ensuite, tous les autres, ce furent depuis la Tribune de Presse, à l'étage au-dessus. Fin avec Balladur en 1993. Depuis, c'est à la radio, mon média d'élection.
Le lendemain du discours du PM, comme on dit commodément dans les "milieux habitués", j'entendais aux Matins* l'intéressante remarque d'un chercheur sur sa lecture de ces grands discours inauguraux de législatures "comme d'un assez bon marqueur de l'époque", signifiant et descriptif des préoccupations et attentes d'une société à un instant donné. Je trouvais sa remarque assez fondée finalement et justifiant a posteriori ma fidélité attentive à cet exercice fort institutionnel, que d'aucuns pourraient juger soporifique, classique ou ennuyeux, voire les trois à la fois, ce qui n'est pas (parfois bien que rarement) tout à fait faux... pourtant ce que l'on perd à l'oreille ou que l'on refuse carrément d'entendre -question de ton en particulier- peut se regagner volontiers en lecture: ainsi le texte fort brillant du discours d'Edith Cresson, mais quasiment inaudible au demeurant, in crescendo.
Mais je reviens à l'accord que j'estime, pour ma part, furieusement désaccordé : politique et générale. Hier soir je me saisis du Mag le supplément Libé du samedi que, à défaut d'absorber régulièrement le jour-dit, je m'efforce néanmoins de lire dans la semaine. Et bien me prit de l'heureux décalage qui me fait ainsi découvrir à point nommé, au coeur de ma réflexion interrogative insatisfaite (fort heureusement insatisfaite), les paroles puissantes et bénéfiques de Massimo Cacciari, le "philosophe.roi", un théoricien italien qui dans la pure tradition platonicienne ne se contente pas de réfléchir sur le pouvoir mais met aussi la main à la pâte. Philosophe et homme politique -deux fois maire de Venise de 1993 à 2000 puis de 2005 à 2010, député européen, recteur d'université, et caetera-, il développe ici la substantifique moelle de l'arc dorsal sur lequel je tente de m'agripper, maladroit et inculte, persuadé néanmoins qu'il contient bien La réponse au désarroi politique profond que sur plusieurs décennies à présent l'on voit autour de nous se répandre! Et que dit-il, qui implique de repenser la fonction de la politique elle-même: "Depuis la fin du XX° siècle, on dirait qu'un millénaire s'est écoulé. Les catégories de la politique ne peuvent plus être les mêmes. Le mot fin a été écrit sous une certaine centralité européenne, pas la centralité de l'Europe, déjà effacée par les guerres civiles et les deux guerres mondiales, mais la centralité de l'Occident. Et celle-ci n'a pas disparu parce que s'est affirmé l'empire politique chinois, ou indien, mais parce que la politique s'est totalement abandonnée aux lois de l'économie et de la finance, qui se présentent à l'opinion publique comme des lois de la nature." Établissant le parallèle avec un même mouvement qui trois siècles auparavant a fait subordonner la politique à la vérité scientifique, Cacciari affirme, à juste titre, qu'il s'agit d'une transformation culturelle inouïe: "Or, que disent nos politiciens? Qu'il s'agit d'une erreur, que la finance et l'économie ne gouvernent pas la politique, ou, s'ils la gouvernent, c'est momentanément et, qu'une fois ce moment passé, elle se retrouvera au poste de commandement! Ceci ne signifie pas que la politique soit finie, mais que la classe politique, la formation de la classe dirigeante sont intégrées dans l'appareil technico-économico-financier-scientifique-culturel-médiatique, et qu'il faut donc repenser la politique comme partie d'un système." Tout doit donc être décliné au sein de ce nouveau contexte, y compris la démocratie: "Comment peut-on penser la démocratie dans une situation où les rapports de pouvoir se sont totalement disloqués, où pèsent des pays comme la Chine ou l'Inde, qui, soit n'ont rien de démocratique, soit réduisent la démocratie à une pure procédure consistant à mettre un bulletin dans une urne et c'est tout? La démocratie a toujours été pensée dans le cadre d'un Etat-Léviathan territorialement, juridiquement et politiquement déterminé: comment l'analyser dans une situation supra-étatique, supra-nationale? De plus, si la politique n'est plus autonome et si elle fait partie d'un système dont l'élément central est la loi naturelle du complexe techno-économique, comment introduire des éléments de démocratie effective dans les processus décisionnels? Dites-moi comment le citoyen peut partiiciper aux décisions qui ont provoqué ce qui est arrivé en Grèce, en Espagne, en Italie! Il manque encore le langage pour répondre à ces questions. La classe politique, de droite et de gauche, ne se les pose pas et sort la nuit pour poursuivre le fantôme de l'autonomie du politique. Quant à ceux qui commandent réellement ils considèrent le problème comme résolu, au sens où la politique doit seulement obéir et elle obéit."
Puissante réflexion, inspirante de nombreux et futurs développements sans nul doute. Les questions sont plus fortes que les réponses, les contenant en filigrane. J'ajouterai, non par simple plaisir de compliquer cette nature déjà bien complexe, la notion indispensable en politique du "temps long" en flagrante contradiction avec l'ordinaire frénétique de notre époque insatisfaite, à jamais?.
Alors, politique et générale tiennent là de l'oxymore en effet, si l'on y adjoint la notion d'espace, nécessairement restreint et étriqué, qui voudrait que l'on chevauche vallées et montagnes à l'heure de la vision globale où tous les méridiens sont désormais balayés. Le politique pourra-t-il être ce cavalier de Goethe qui tient son enfant serré dans ses bras, durch nacht und wind?

*comme disent d'autres "milieux habitués" pour désigner la matinale de France Culture

29.6.12

Infans


« Le samedi matin, les parents avaient le droit de venir plus tôt. Le professeur s'est arrêté dans la chambre de notre fils. Il l'a contemplé longuement, avec amour et même admiration. Je savais qu'il appréciait sa manière de lutter. Un grand professeur peut éprouver de la considération pour un petit enfant. Curieusement il n'a pas tâté son pouls, n'a pas vérifié les courbes des machines. Il l'a embrassé et nous a proposé de le suivre dans son bureau, il nous a fait asseoir, nous a demandé de poser nos mains sur la table de fer. Il a pris nos quatre mains qu'il a enveloppées dans les siennes. Puis il a levé les yeux et, le regard embué de larmes, nous a annoncé que c'était fini.
Comme une mouche qui se cogne contre la glace sale. Dans le dehors du monde, je tente de m'évader. Dans la cage, l'ombre interne déploie, victorieuse, ses maléfices.
J'ai demandé au professeur s'il accepterait d'arrêter les machines. Il a accepté. Il m'a dit que notre fils pourrait s'endormir tout doucement, sans souffrir. Il l'a promis. Nous sommes entrés dans sa chambre. J'ai le souvenir de ce rayon de soleil qui traversait le couloir, du silence dans le service, d'un oiseau qui n'arrêtait pas de chanter. Notre fils dormait déjà. Nous lui avons tenu la main. Moi je priais. Long moment empreint de douceur, de respect. Une communion des âmes ? Le professeur s'est levé, a mis les mains sur les yeux. Une heure plus tard il nous a fait sortir par une porte dérobée»









À ce soir, Laure Adler, nrf Gallimard

26.6.12

une image vaut dix mille mots


bonjour


24.6.12

5 à 7...am

Nuit et lendemain de match à San Jordi de Poble Nou Barcelona

Espagne/France de football (2/0)

17.6.12

majorité présidentielle, yallah

Bon, nous on a bien supporté depuis les primaires de... 2006. Le résultat s'est concrétisé finalement, certes par étapes -y compris la lourde parenthèse de cinq ans- mais il est là et bien là. Maintenant à eux tous de conduire avec sérieux, imagination, courage, justice, fraternité et dans une parité durable.

Royal battue, toujours royale, du balcon de Solférino au port de la Rochelle

11.6.12

sans tambour ni trompette

Premier tour. Espace républicain: gauche normalement confirmée, droite sensiblement affaiblie, centre siphonné. L'extrême-droite passe à droite, la droite bouchonne, les dernières digues (déjà fragiles) ont cédé: "Allez, on se lâche!" ça déborde et bientôt de partout, moi je dirais plutôt que ça dégueule et l'histoire retiendra Sarko entre les deux tours, plus d'état d'âme et un état de fait... légitimée, la honte nationale en mouvement -"ni ni"- nauséabond.
Porte-tambour du restaurant électoral, Bayrou sort et Le Pen entre*. À l'instar d'un mouvement européen entamé en début de siècle, la glissade à droite se poursuit: de la droite à l'extrême-droite, du centre à la droite, du socialisme à la social-démocratie, et cetera. Glissade avec 2 effets de nature sensiblement différente: surfing (Le Pen) ou zapping (Bayrou-Melenchon). Effet de siècle à suivre, et tout le monde se la joue modeste, effet normal.
*j'ai fait le cauchemar que dans la famille LP ils étaient trois générations!

1.6.12

journée en paix

Au réfectoire du monastère, il y a le Sheikh et l'Imam, soufis; le Rabbin Gabriel Hagaï qui célèbre Shabbat, pour tous; les femmes exceptionnellement autorisées à entrer dans l'enceinte, certaines conserveront naturellement leur voile tout le repas; le père René-Hugues de la Chaisserie, abbé de Ganagobie et sa communauté des moines bénédictins; et nous les quelques privilégiés qui assistons, et participons, à cette journée unique, providentielle. 
Pour moi, la journée a commencé après Vigiles, vers six heures dans la méditation assise et marchée; pas loin il en est d'autres qui exercent sans doute leurs pratiques, bouddhistes ou autres. A midi, ce sera la grande prière du vendredi: une dizaine de musulmans sous l'oeil attentif et apparemment protecteur du Shaykh 'Abd al-Walid Pallavicini, au sein de l'Oratoire même! et nous tous autour, mélangés, Rabbin  compris. Tout à l'heure, les représentants des trois religions du Livre et aussi les autres, se sont retrouvés dans l'église à Complies pour un salve regina d'antologie. Et à l'heure où j'écris ces lignes, les musulmans font la prière, juste à côté, tandis qu'en bas, Jean David, prodigieux conteur-musicien séfarade marocain, déploie au Luth baroque ancien une cantillation de morceaux bibliques, là singulièrement le cantique des cantiques...
Ce vendredi premier juin, une journée de paix et de fraternité, rencontre dans un cadre magnifique*.













Mais. Je ne peux m'empêcher de penser aux habitants de Ramallah, aux enfants de Gaza, à cette éternité de combat et de haine, à tous ces murs également. Un bénédictin, le père R., rentre juste de Jérusalem, il me dit ce qu'il a vu, il est horrifié, le traitement des palestiniens...
Pourtant cette journée fut possible, je l'ai vécue entièrement, de l'intérieur et dans ses fibres, l'oeil et la chair aux aguets des moindres signes avant-coureurs. Oh je sais bien que je ne suis pas le seul, que chacun guette... Et non, pas de signe: une fraternité équilibrée, un souci de l'autre, une curiosité non feinte, et la découverte d'un possible au quotidien.













Et maintenant, voilà que les images me reviennent -Ramallah, Gaza, Jérusalem, Bethléem...-, elles ne me lâchent pas. Pourtant, pourtant je sais que je ne rêve pas, et que cela n'a rien à voir, ils sont bien tous là ici ensemble ce premier vendredi de juin. Tourbllon, ca fait beaucoup en un seul jour quand on n'a pas l'habitude - comme moi ô combien et je ressens comme une lourde fatigue. Mais au fait qui a donc l'habitude? Voilà, une toute petite parenthèse, seulement une goutte d'eau dans l'océan. Goutte d'eau certes, mais comme le disait mon maître Tran Thanh: "Une goutte d'eau, elle est la mer, impossible à diviser."
*colloque inter-religieux pour la paix organisé pour la 10ème année: comment grandir en humanité?

23.5.12

stopper le monde, un instant

«La beauté, on sait (aussi) ce que c'est. Pour peu qu'on y songe cependant, on ne manque pas d'être frappé d'étonnement : l'univers n'est pas obligé d'être beau, pourtant il est beau. À la lumière de cette constatation, la beauté du monde, en dépit des calamités, nous apparaît également comme une énigme.» François Cheng
mercredi 23 mai, du plateau de Ganagobie. 9pm