31.10.13

...et c à la fois

Dans le monde vu par le physicien Etienne Klein* voyager dans le temps relève d'une chimère: « Pour voyager dans le temps en toute sécurité il faudrait pouvoir s'assurer que le passé et le présent existent en même temps que le présent, c'est à dire que tous les moments du temps cohabitent quelque part. Or la conception ordinaire du temps exclue que des instants différents ou des moments qui ne se chevauchent pas, puissent coexister ensemble. Et c'est sans doute pourquoi, quand j'entends parler de voyager dans le temps, me revient toujours à l'esprit cette phrase d'un personnage de Beckett: "On est peut être con, mais pas au point de voyager pour le plaisir". » Fin de citation.
Conclusion, provisoire : il est tout à fait possible d'être extra-ordinaire... et con à la fois ; rien n'est perdu, il faut persister. L'homme forma le temps, il forma le mot, il forma les dieux puis dieu; l'homme formateur de toute chose. Et c'est loin d'être fini, persévérons.

*cf. post du 11/04/13, le paradis fiscal est 'fondamental'

29.10.13

suprême légèreté

Calder à la fondation Beyeler (Bâle-ch)

5.10.13

cèdre du Liban


3.10.13

le temps

« Je tombai en admiration, dans cette salle qu’Austerlitz qualifia d'idéale selon ses critères, devant la beauté frustre des lames du parquet, toutes de largeurs différentes, devant les fenêtres inhabituellement hautes, divisées chacune en cent vingt-deux carreaux de verre sertis de plomb au travers desquels, jadis, les longues lunettes avaient été pointées sur les éclipses de lune et de soleil, l'intersection des orbites d'étoiles avec la ligne du méridien, le bouillonnement de lumière des Léonides et la chevelure des comètes qui parcourent l'espace intersidéral. Austerlitz comme a son habitude prit quelques clichés, il photographia les roses immaculées de la frise florale en stuc courant au plafond mais aussi, par les carreaux, le panorama de la ville s'étendant au-delà du parc vers le nord et le nord-ouest; et, alors qu'il était encore occupé avec son appareil, il se lança à propos du temps dans un assez long commentaire dont de nombreux détails sont restés vifs à ma mémoire. Le temps, dit-il dans le cabinet aux étoiles de Greenwich, le temps était de toutes nos inventions de loin la plus artificielle et, lié aux étoiles tournant autour de leur axe, il n'était pas moins arbitraire que s'il eût été calculé à partir des cernes de croissance des arbres ou de la durée que met un calcaire à se désagréger ; sans compter que le jour solaire auquel nous nous référions ne fournissait pas de repère précis et que pour mesurer le temps il nous fallait avoir recours à un soleil moyen, imaginaire, dont la vitesse de déplacement ne varierait pas et qui dans son orbite ne serait pas incliné vers l'équateur. Si Newton a pensé, dit Austerlitz en montrant par la fenêtre, brillant dans le reste du jour, le méandre qui enserre l'île des Chiens, si Newton a réellement pensé que le temps s'écoule comme le courant de la Tamise*, où est alors son origine et dans quelle mer finit-il par se jeter ? Tout cours d'eau, nous le savons, est nécessairement bordé des deux côtés. Mais quelles seraient, à ce compte, les rives du temps ? Quelles seraient ses propriétés spécifiques correspondant approximativement à celles de l'eau, laquelle est liquide, assez lourde et transparente ? En quoi des choses plongées dans le temps se distinguent-elles de celles qui n'ont jamais été en contact avec lui ? Que signifie que nous représentions les heures diurnes et les heures nocturnes sur un même cercle ? Pourquoi, en un lieu, le temps reste-t-il éternellement immobile tandis qu'en un autre il se précipite en une fuite éperdue ? Ne pourrait-on point dire que le temps lui-même, au fil des siècle, au fil des millénaires, n'a pas été synchrone ? Finalement, il n'y a pas si longtemps que cela qu'il se trouve en expansion et se répand en tous sens. Et jusqu'aujourd'hui, la vie des hommes, dans maintes contrées de la terre, n'est-elle pas moins régie par le temps que par les conditions atmosphériques, autrement dit par une grandeur inquantifiable qui ignora la régularité linéaire, n'avance pas de manière constante mais au rythme de remous et de tourbillons, est déterminée par les engorgements et les dégorgements, revient sous une forme sans cesse autre et évolue vers qui sait où ? »

Austerlitz, de W.G.Sebald. Traduit de l'allemand par Patrick Charbonneau (Babel 2001, p 120-122)

*qui traverse aussi Reading