19.4.13

une droite mal party

On a coutume de dire que dans la plupart des mouvements de société, la France vit l'heure américaine.. avec quelques années de décalage. Il se pourrait bien que ce délai soit radicalement raccourci si l'on considère le phénomène d'intolérance nauséeuse en train de poindre au sein de la droite classique : comme l'émergence de tea party à la française...
Mais à suivre les mouvements droitistes et extrêmes droitistes dans la rue comme aux tribunes - même à courir derrière - certains représentants UMP, en nombre déjà conséquent, devraient bien réfléchir aux conséquences désastreuses qu'a eue outre-Atlantique, pour les Républicains, la contagion puis l'amalgame des tea party en leur tréfonds, et durablement. Tel ver dans son fruit mûr.
À moins d'un rapide coup d'arrêt et d'une solide reprise de cap, la droite est en effets bien mal party. Attention, danger.

12.4.13

Probité contrôlée, oui. Publicité délation, non.

Pour (tenter d')en finir au plus vite avec un sujet "hautement inflammable" ... j'en appelle aux dictionnaires: Cnrs/Cnrtl* et Littré.

PROBITÉ, subst. féminin
(Cnrs/Cnrtl)
A. − [En parlant d'une qualité morale exercée vis-à-vis d'autrui] Droiture qui porte à respecter le bien d'autrui, à observer les droits et les devoirs de la justice. Synon. droiture, honnêteté, incorruptibilité, intégrité.
B. − [En parlant d'une qualité morale exercée vis-à-vis de soi-même par rapport à qqc.] Rigueur, exactitude appliquée à serrer la vérité, la justesse au plus près. Synon. honnêteté, loyauté, rectitude. Probité d'âme, d'esprit, de la pensée; probité intellectuelle, littéraire.
SYNT. (communs à A et B). Probité absolue, exemplaire, irréprochable, sévère; réputation, vie de probité; compter sur la probité de qqn; être la probité même; la probité en personne.
Prononc. et Orth. : [pʀ ɔbite]. Étymol. Hist. 1429 «droiture, loyauté» Latin. probitas.
(Littré)
Exacte régularité à remplir tous les devoirs de la vie civile. « Celui qui dit incessamment qu'il a de l'honneur et de la probité, qu'il ne nuit à personne, qu'il consent que le mal qu'il fait aux autres lui arrive, et qui jure pour le faire croire, ne sait pas même contrefaire l'homme de bien. »[La Bruyère, V]
C'est la probité même, c'est un homme plein de probité.
SYNONYME : PROBITÉ, INTÉGRITÉ. La probité est uniquement relative aux devoirs envers autrui et aux devoirs de la vie civile. à intégrité s'attache l'idée particulière d'une pureté qui ne se laisse entamer ni corrompre.

PUBLICITÉ, subst. féminin
(Cnrs/Cnrtl)
A. − Action de rendre public. Domaine juridique: Possibilité pour le public d'assister aux audiences d'un tribunal.
B. − Caractère de ce qui est notoire, connu de tous ou au moins du plus grand nombre de personnes. Entourer qqc. de la plus grande publicité; un coup de publicité. Faire de la publicité autour de qqc.; donner de la publicité à. Diffuser une information, faire connaître à tous un événement, un fait.
C. − Action, fait de promouvoir la vente d'un produit en exerçant sur le public une influence, une action psychologique afin de créer en lui des besoins, des désirs.
Prononc. et Orth.: [pyblisite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. « notoriété publique »

*Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

11.4.13

le paradis fiscal est 'fondamental'

ou : de l'approfondissement du débat fondamental.
Etienne Kleinest l'invité non autorisé de AUDIENCE & RESONANCE pour sa brillante chronique faite aux Matins de France Culture et qui porte pour titre :

vide quantique et paradis fiscaux

« Je voudrais vous parler aujourd’hui du vide quantique, qui me servira ensuite de creuset métaphorique pour faire allusion – une fois n’est pas coutume – à l’actualité politique.
On définit souvent le vide comme étant ce qui reste dans un volume après qu'on en a extrait tout ce qui est possible : le volume demeure, mais il n’y a plus rien à l’intérieur ; l’espace a en quelque sorte été lavé de toute matière, on n’y trouve plus le moindre atome.
Forts de cette définition, imaginons que nous puissions retirer de l’intérieur d’une enceinte toutes les particules de matière et de lumière qu’elle contient, sans la moindre exception, et atteindre ainsi le vide parfait. Ce vide parfait se réduirait-il à de l’espace pur ? À cette question, la physique quantique répond : non, le vide n’est pas vide, il contient de l’énergie, il est même rempli de ce qu’on pourrait appeler de la matière fatiguée, de la matière « en état de veilleuse ». Car au sein de cette enceinte où nous aurions fait le vide avec la meilleure des pompes imaginables, demeureraient des particules dites « virtuelles », c’est-à-dire des particules bel et bien présentes mais qui n’existent pas réellement… Elles ne possèdent pas assez d’énergie pour pouvoir vraiment se matérialiser, elles n’ont pas l’intégralité de leur mc2 si vous préférez, elles sont en dehors de leur « couche de masse » et, de ce fait, elles ne sont pas directement observables. Elles se trouvent en situation d’hibernation, dans une sorte de sommeil ontologique ou d’ontologie endormie, je ne sais quelle est la meilleure façon de dire. Pour les faire exister vraiment, il faut leur donner l’énergie qui manque à leur pleine incarnation.
C’est ce qui se passe quand deux particules provenant d’un accélérateur de haute énergie entrent en collision. Elles offrent leur énergie au vide quantique, et du coup, les particules virtuelles qu’il contenait deviennent réelles et s’échappent hors de leur repaire (je n’ose pas dire hors de leur exil, car ce terme est désormais fiscalement connoté). Le vide soudain se réchauffe et les particules qui y étaient endormies retrouvent la vitalité qu’elles avaient dans l’univers primordial. Finalement, un grand collisionneur de particules comme le LHC n’est jamais qu’une machine servant à chauffer le vide…
Mais pour que vous compreniez mieux ce qu’est ce vide quantique qui n’est pas du tout vide mais qui est tout à fait quantique, il faut que je vous explique un peu mieux les choses.
Un système physique, par exemple une particule, se définit par un certain nombre de propriétés identiques pour tous les systèmes du même type. Ainsi, si je prends comme système un électron, je peux dire tous les électrons ont rigoureusement la même masse et la même charge électrique. Mais en plus de ces propriétés universelles, les électrons ont des propriétés qui, elles, peuvent varier de l'un à l'autre : leur énergie, pour commencer, ou bien la direction de leur spin. L'ensemble de ces quantités définit ce qu'on appelle « l’état » de la particule. On le représente par un « champ », un « champ quantique », qui est une fonction de l’espace et du temps.
Ces « champs quantiques » ont la propriété de s'étendre dans tout l'espace et surtout, ils ne peuvent pas s’annuler partout en même temps. En clair, à un instant donné, un champ quantique n’est jamais égal à zéro dans tout l’espace. Tout se passe donc comme si les champs quantiques étaient collés à l’espace, d’une façon impossible à défaire. Cela veut dire que même quand on fait le vide, ils sont encore et toujours là.
Prenons comme système un électron. La physique quantique le décrit par un champ électronique qui a la propriété, disent les équations, d'être « toujours là », même quand aucun électron n’est présent en chair et en os : il est absolument impossible de le faire disparaître, tout comme il est impossible d’extraire l’énergie qu’il contient. Dès lors, le vide ne peut plus être considéré comme ce qui reste lorsqu'on a enlevé le champ (puisque cette opération est impossible), mais comme un état particulier du champ, un état qu’on appelle l’état « fondamental » car le système ne peut pas avoir une énergie plus petite que celle qu’il possède lorsqu’il se trouve dans cet état.
Tout cela est intéressant d’un point de vue philosophique. Car s’il n'y a plus de distinction formelle entre le vide et les autres états, il devient impossible de lui donner un statut réellement à part : il n’est plus un espace pur, encore moins un néant où rien ne se passe, mais un océan rempli de particules virtuelles capables, dans certaines circonstances, d'accéder à l'existence. Le vide apparaît ainsi comme l’état de base de la matière, celui qui contient sa potentialité d’existence et dont elle émerge sans jamais couper son cordon ombilical. Matière et vide se retrouvent liés de façon insécable.
Pourquoi est-ce que je vous raconte cela ? A cause de l’actualité politique.
Parce qui si vous m’avez bien écouté, Alain, vous avez compris qu’au prix d’un petit déménagement conceptuel, ce que je viens de dire du vide quantique pourrait s’appliquer aux paradis fiscaux, dont on a trop souvent dit qu’ils étaient des trous noirs, ce qui n’est pas la meilleure comparaison : à mon avis, les paradis fiscaux, truffés d’euros virtuels jusqu’à la glotte, sont plutôt à l’économie réelle ce que le vide quantique est à la matière concrète. Je viens de vous expliquer que si on met de l’énergie dans le vide quantique, on en fait sortir des particules. Eh bien mon petit doigt me souffle que si on mettait un peu plus d’énergie à fouiller les paradis fiscaux, on pourrait en extraire des ressources en transformant des euros virtuels en euros réels. Par les temps qui courent, ce ne serait pas du luxe pour nos démocraties qui sont à la fois endettées et bafouées par les cyniques.
A propos, Alain, et pour en finir, connaissez-vous l’anagramme de « la Crise économique » ? C’est « le scénario comique »… Je ne l’aime pas beaucoup, cette anagramme, car elle contredit la réalité, qui est douloureuse pour beaucoup de gens. Et il y a des jours où elle contredit la réalité encore plus que d’habitude… »

*Etienne Klein est physicien, professeur à l'Ecole centrale à Paris et directeur du laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au CEA (Commissariat d’Energie Atomique), docteur en philosophie des sciences, spécialiste du temps.
Il a publié plusieurs essais sur la physique et la question du temps, notamment :
- Il était sept fois la révolution. Albert Einstein et les autres…, Paris, Flammarion, 2005 ; coll. « Champs », 2007.
- Le facteur temps ne sonne jamais deux fois, Paris, Flammarion, coll. « NBS », 2007 ; coll. « Champs », 2009.
- Galilée et les Indiens. Allons-nous liquider la science ?, Paris, Flammarion, coll. « Café Voltaire », 2008.
- Discours sur l’origine de l’univers, Paris, Flammarion, coll. « NBS », 2010.
- « Anagrammes renversantes ou le sens caché du monde (avec Jacques Perry-Salkow), Paris, Flammarion, novembre 2011.

10.4.13

Parole d'Or

Il parle d'Or cet homme là, d'or et donc d'argent.
Il dit ce qui est et aussi ce qui devrait être. Or si tout le monde l'entend, personne - autour de lui - ne l'écoute : OK Filoche, c'est bon on t'a entendu, maintenant laisse-nous travailler, entre Nous !
Alors un conseil, écoutez bien Gérard Filoche ! Il passe sur les radios, les télés, la presse, les réseaux sociaux... et il parle d'Or. De la forêt entière et pas seulement de l'arbre Cahuzac qui la cache. De là où le monde est devenu fou, de qui entretient et favorise le grand écart, de comment un système abberent étrangle la réalité humaine... Et si vous ne le voyez ni ne l'écoutez, vous pouvez toujours le lire sur son blog. Extrait :
« La réaction de millions de Français à l’affaire Cahuzac, c’est que le combat contre la finance n’a pas été mené jusque là ! Ils amalgament Cahuzac et sa politique réelle, et ILS ONT RAISON. Les deux sont mêlés, et cela devrait sauter aux yeux.
Oui, il faut mettre en œuvre une politique de traque de la fraude fiscale ! Oui il faut faire une réforme fiscale ! Cahuzac avait prétendu qu’elle « était déjà faite ».
Il y a une colère parce que le gouvernement ose parler de rigueur budgétaire et faire reculer le Smic, les petites retraites, le droit du travail, et donc cède à la finance.
Chacun sait dans son for intérieur que la France n’a jamais été aussi riche et les richesses aussi mal partagées. Il y a 590 milliards d’avoirs français dans les paradis fiscaux, dont 108 milliards en Suisse, et rien n’a été fait pour aller les chercher alors qu’une volonté inouïe a été développée par Cahuzac pour traquer les « économies », les « dépenses publiques », les services publics, mais qu’il n’a évidemment pas mis pareille volonté en œuvre contre la finance et la fraude.
Le lien existe donc entre Cahuzac et la façon dont la politique qu’il défendait était perçue d’où le choc lors de la révélation de la fraude. »
Dangereusement simplificateur ? On n'a jamais tort de vouloir simplifier pour être compris. Surtout quand c'est juste.
Et vos commentaires seront toujours les bienvenus.

3.4.13

Affligeant


Trop bon trop con, dit la verve populaire. Mais comment est-ce possible?
Ou alors... et là c'est vraiment beaucoup plus grave et le pire reste à venir, même si le pire n'est jamais certain, écrivait Calderón.
En même temps, en même temps... inspiré d'expérience et de nombreux exemples, me revient à propos le mot de Corneille: Le temps est un grand maître, il règle bien des choses.
Et nos propres mémoires, ne sont-elles pas sélectives? rarement pour le meilleur.
À suivre, hélas.

*Calderón, poète et dramaturge espagnol

2.4.13

transmission prédation

« Freud cita à quatre reprises un mot de Goethe. Was du ererbt von deinen Vätern hust erwib es um es zu besitzenCe que tu as hérité de tes pères, acquiers-le pour le posséderPour en éprouver toute la jouissance, tu dois dérober ce qui est à toi. Mange entièrement ton ancêtre. Tout ce que tu as, mets la main dessus. Deviens toi-même pour jouir puisqu'en jouissant tu jouis de ta source.
Traduire, trépasser, transir.
Le problème n'est pas de transmission mais de prédation.
(…)
Nous commençons par manger nos mères dans leur ventre puis, sortis de leur sexe, criant, nous les mangeons dans leur lait. Nous dérobons leur langue à partir de leur regard, l'étalonnant à la moue de leurs lèvres. Nous inventons le sens en échangeant des sourires. S'instruire c'est sucer les os des cadavres, les trouer, souffler dans la mort.
C'est parasiter les ruines des leurres. Nous sommes tous des voleurs. Nous sommes tous des clandestins. Il n'y a pas un centimètre carré de la nature que l'homme puisse revendiquer comme un territoire attribué. Nous sommes tous fous et quand nous ne le sommes pas nous sommes imaginaires; nous vivons entourés d'hallucinations qui trompent mal la carence ou l'absence; et le sens que nous procurons à tout ce que nous pouvons vivre est ce qui reste de la face d'une mère passée dans la mort. Nous sommes tous précaires et désynchronisés; nous commençons en avance; nous mourrons tous avant de mûrir.

L'originaire est invisible.
Les vrais messages transitent dans les corps à l'insu de ceux qui les échangent. »

Ces quelques phrases sont extraites d'un magnifique texte de Pascal Quignard que la Revue de la Chartreuse a publié, il y a treize ans, sous le titre: On ne transmet que l'autre monde (Avignon, numéro spécial sur la Transmission, 20 mars 2000). Ce texte -comme la Revue?- est introuvable aujourd'hui. Nous devons à Leili Anvar de nous l'avoir publiquement donné à entendre, et personnellement transmis, qu'elle en soit ici vivement remerciée.


tendre la pomme

Au pied du Sinaï, les femmes connaissaient la magnifique histoire des débuts. La première d'entre elles avait retiré l'espère humaine du jardin enchanté de l'enfance. Ève, Havà, fait le bon geste, du bas vers le haut, en cueillant le fruit de la connaissance. Une loi opposée à celle de la gravité soulevait son bras vers le haut. Dans la nature, mis à part l'attraction terrestre, il existe une attraction inverse, qu'il faut appeler céleste. (…) Il ne s'agit pas de mesures disciplinaires, mais d'une annonce de conséquences physiques à la suite de l'irruption de la connaissance, qui n'est jamais un tort. L'ignorance est un tort. (…) Au pied du Sinaï, les femmes étaient des mères sur le sol, comme le plus sûr des nids. Elles étaient à une température d'enthousiasme, qui va au-delà de la foi et de la confiance. Les hommes passaient de l'émotion à l'essoufflement face à l'engagement demandé.
Et il dit, Erri de Luca (Gallimard, 2012)