29.6.12

Infans


« Le samedi matin, les parents avaient le droit de venir plus tôt. Le professeur s'est arrêté dans la chambre de notre fils. Il l'a contemplé longuement, avec amour et même admiration. Je savais qu'il appréciait sa manière de lutter. Un grand professeur peut éprouver de la considération pour un petit enfant. Curieusement il n'a pas tâté son pouls, n'a pas vérifié les courbes des machines. Il l'a embrassé et nous a proposé de le suivre dans son bureau, il nous a fait asseoir, nous a demandé de poser nos mains sur la table de fer. Il a pris nos quatre mains qu'il a enveloppées dans les siennes. Puis il a levé les yeux et, le regard embué de larmes, nous a annoncé que c'était fini.
Comme une mouche qui se cogne contre la glace sale. Dans le dehors du monde, je tente de m'évader. Dans la cage, l'ombre interne déploie, victorieuse, ses maléfices.
J'ai demandé au professeur s'il accepterait d'arrêter les machines. Il a accepté. Il m'a dit que notre fils pourrait s'endormir tout doucement, sans souffrir. Il l'a promis. Nous sommes entrés dans sa chambre. J'ai le souvenir de ce rayon de soleil qui traversait le couloir, du silence dans le service, d'un oiseau qui n'arrêtait pas de chanter. Notre fils dormait déjà. Nous lui avons tenu la main. Moi je priais. Long moment empreint de douceur, de respect. Une communion des âmes ? Le professeur s'est levé, a mis les mains sur les yeux. Une heure plus tard il nous a fait sortir par une porte dérobée»









À ce soir, Laure Adler, nrf Gallimard

26.6.12

une image vaut dix mille mots


bonjour


24.6.12

5 à 7...am

Nuit et lendemain de match à San Jordi de Poble Nou Barcelona

Espagne/France de football (2/0)

17.6.12

majorité présidentielle, yallah

Bon, nous on a bien supporté depuis les primaires de... 2006. Le résultat s'est concrétisé finalement, certes par étapes -y compris la lourde parenthèse de cinq ans- mais il est là et bien là. Maintenant à eux tous de conduire avec sérieux, imagination, courage, justice, fraternité et dans une parité durable.

Royal battue, toujours royale, du balcon de Solférino au port de la Rochelle

11.6.12

sans tambour ni trompette

Premier tour. Espace républicain: gauche normalement confirmée, droite sensiblement affaiblie, centre siphonné. L'extrême-droite passe à droite, la droite bouchonne, les dernières digues (déjà fragiles) ont cédé: "Allez, on se lâche!" ça déborde et bientôt de partout, moi je dirais plutôt que ça dégueule et l'histoire retiendra Sarko entre les deux tours, plus d'état d'âme et un état de fait... légitimée, la honte nationale en mouvement -"ni ni"- nauséabond.
Porte-tambour du restaurant électoral, Bayrou sort et Le Pen entre*. À l'instar d'un mouvement européen entamé en début de siècle, la glissade à droite se poursuit: de la droite à l'extrême-droite, du centre à la droite, du socialisme à la social-démocratie, et cetera. Glissade avec 2 effets de nature sensiblement différente: surfing (Le Pen) ou zapping (Bayrou-Melenchon). Effet de siècle à suivre, et tout le monde se la joue modeste, effet normal.
*j'ai fait le cauchemar que dans la famille LP ils étaient trois générations!

1.6.12

journée en paix

Au réfectoire du monastère, il y a le Sheikh et l'Imam, soufis; le Rabbin Gabriel Hagaï qui célèbre Shabbat, pour tous; les femmes exceptionnellement autorisées à entrer dans l'enceinte, certaines conserveront naturellement leur voile tout le repas; le père René-Hugues de la Chaisserie, abbé de Ganagobie et sa communauté des moines bénédictins; et nous les quelques privilégiés qui assistons, et participons, à cette journée unique, providentielle. 
Pour moi, la journée a commencé après Vigiles, vers six heures dans la méditation assise et marchée; pas loin il en est d'autres qui exercent sans doute leurs pratiques, bouddhistes ou autres. A midi, ce sera la grande prière du vendredi: une dizaine de musulmans sous l'oeil attentif et apparemment protecteur du Shaykh 'Abd al-Walid Pallavicini, au sein de l'Oratoire même! et nous tous autour, mélangés, Rabbin  compris. Tout à l'heure, les représentants des trois religions du Livre et aussi les autres, se sont retrouvés dans l'église à Complies pour un salve regina d'antologie. Et à l'heure où j'écris ces lignes, les musulmans font la prière, juste à côté, tandis qu'en bas, Jean David, prodigieux conteur-musicien séfarade marocain, déploie au Luth baroque ancien une cantillation de morceaux bibliques, là singulièrement le cantique des cantiques...
Ce vendredi premier juin, une journée de paix et de fraternité, rencontre dans un cadre magnifique*.













Mais. Je ne peux m'empêcher de penser aux habitants de Ramallah, aux enfants de Gaza, à cette éternité de combat et de haine, à tous ces murs également. Un bénédictin, le père R., rentre juste de Jérusalem, il me dit ce qu'il a vu, il est horrifié, le traitement des palestiniens...
Pourtant cette journée fut possible, je l'ai vécue entièrement, de l'intérieur et dans ses fibres, l'oeil et la chair aux aguets des moindres signes avant-coureurs. Oh je sais bien que je ne suis pas le seul, que chacun guette... Et non, pas de signe: une fraternité équilibrée, un souci de l'autre, une curiosité non feinte, et la découverte d'un possible au quotidien.













Et maintenant, voilà que les images me reviennent -Ramallah, Gaza, Jérusalem, Bethléem...-, elles ne me lâchent pas. Pourtant, pourtant je sais que je ne rêve pas, et que cela n'a rien à voir, ils sont bien tous là ici ensemble ce premier vendredi de juin. Tourbllon, ca fait beaucoup en un seul jour quand on n'a pas l'habitude - comme moi ô combien et je ressens comme une lourde fatigue. Mais au fait qui a donc l'habitude? Voilà, une toute petite parenthèse, seulement une goutte d'eau dans l'océan. Goutte d'eau certes, mais comme le disait mon maître Tran Thanh: "Une goutte d'eau, elle est la mer, impossible à diviser."
*colloque inter-religieux pour la paix organisé pour la 10ème année: comment grandir en humanité?