1.6.12

journée en paix

Au réfectoire du monastère, il y a le Sheikh et l'Imam, soufis; le Rabbin Gabriel Hagaï qui célèbre Shabbat, pour tous; les femmes exceptionnellement autorisées à entrer dans l'enceinte, certaines conserveront naturellement leur voile tout le repas; le père René-Hugues de la Chaisserie, abbé de Ganagobie et sa communauté des moines bénédictins; et nous les quelques privilégiés qui assistons, et participons, à cette journée unique, providentielle. 
Pour moi, la journée a commencé après Vigiles, vers six heures dans la méditation assise et marchée; pas loin il en est d'autres qui exercent sans doute leurs pratiques, bouddhistes ou autres. A midi, ce sera la grande prière du vendredi: une dizaine de musulmans sous l'oeil attentif et apparemment protecteur du Shaykh 'Abd al-Walid Pallavicini, au sein de l'Oratoire même! et nous tous autour, mélangés, Rabbin  compris. Tout à l'heure, les représentants des trois religions du Livre et aussi les autres, se sont retrouvés dans l'église à Complies pour un salve regina d'antologie. Et à l'heure où j'écris ces lignes, les musulmans font la prière, juste à côté, tandis qu'en bas, Jean David, prodigieux conteur-musicien séfarade marocain, déploie au Luth baroque ancien une cantillation de morceaux bibliques, là singulièrement le cantique des cantiques...
Ce vendredi premier juin, une journée de paix et de fraternité, rencontre dans un cadre magnifique*.













Mais. Je ne peux m'empêcher de penser aux habitants de Ramallah, aux enfants de Gaza, à cette éternité de combat et de haine, à tous ces murs également. Un bénédictin, le père R., rentre juste de Jérusalem, il me dit ce qu'il a vu, il est horrifié, le traitement des palestiniens...
Pourtant cette journée fut possible, je l'ai vécue entièrement, de l'intérieur et dans ses fibres, l'oeil et la chair aux aguets des moindres signes avant-coureurs. Oh je sais bien que je ne suis pas le seul, que chacun guette... Et non, pas de signe: une fraternité équilibrée, un souci de l'autre, une curiosité non feinte, et la découverte d'un possible au quotidien.













Et maintenant, voilà que les images me reviennent -Ramallah, Gaza, Jérusalem, Bethléem...-, elles ne me lâchent pas. Pourtant, pourtant je sais que je ne rêve pas, et que cela n'a rien à voir, ils sont bien tous là ici ensemble ce premier vendredi de juin. Tourbllon, ca fait beaucoup en un seul jour quand on n'a pas l'habitude - comme moi ô combien et je ressens comme une lourde fatigue. Mais au fait qui a donc l'habitude? Voilà, une toute petite parenthèse, seulement une goutte d'eau dans l'océan. Goutte d'eau certes, mais comme le disait mon maître Tran Thanh: "Une goutte d'eau, elle est la mer, impossible à diviser."
*colloque inter-religieux pour la paix organisé pour la 10ème année: comment grandir en humanité?

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