29.6.12

Infans


« Le samedi matin, les parents avaient le droit de venir plus tôt. Le professeur s'est arrêté dans la chambre de notre fils. Il l'a contemplé longuement, avec amour et même admiration. Je savais qu'il appréciait sa manière de lutter. Un grand professeur peut éprouver de la considération pour un petit enfant. Curieusement il n'a pas tâté son pouls, n'a pas vérifié les courbes des machines. Il l'a embrassé et nous a proposé de le suivre dans son bureau, il nous a fait asseoir, nous a demandé de poser nos mains sur la table de fer. Il a pris nos quatre mains qu'il a enveloppées dans les siennes. Puis il a levé les yeux et, le regard embué de larmes, nous a annoncé que c'était fini.
Comme une mouche qui se cogne contre la glace sale. Dans le dehors du monde, je tente de m'évader. Dans la cage, l'ombre interne déploie, victorieuse, ses maléfices.
J'ai demandé au professeur s'il accepterait d'arrêter les machines. Il a accepté. Il m'a dit que notre fils pourrait s'endormir tout doucement, sans souffrir. Il l'a promis. Nous sommes entrés dans sa chambre. J'ai le souvenir de ce rayon de soleil qui traversait le couloir, du silence dans le service, d'un oiseau qui n'arrêtait pas de chanter. Notre fils dormait déjà. Nous lui avons tenu la main. Moi je priais. Long moment empreint de douceur, de respect. Une communion des âmes ? Le professeur s'est levé, a mis les mains sur les yeux. Une heure plus tard il nous a fait sortir par une porte dérobée»









À ce soir, Laure Adler, nrf Gallimard

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