23.5.12

stopper le monde, un instant

«La beauté, on sait (aussi) ce que c'est. Pour peu qu'on y songe cependant, on ne manque pas d'être frappé d'étonnement : l'univers n'est pas obligé d'être beau, pourtant il est beau. À la lumière de cette constatation, la beauté du monde, en dépit des calamités, nous apparaît également comme une énigme.» François Cheng
mercredi 23 mai, du plateau de Ganagobie. 9pm

21.5.12

virgule

Retraite au monastère bénédictin de Ganagobie, Alpes de Haute-Provence. Ce matin, ciel fort nuageux, gris et pluvieux, une marche s'impose: les quatre kilomètres qui séparent le plateau du prieuré de la route Manosque-Sisteron, puis au long de la vallée de la Durance ladite départementale jusqu'à La Brillanne, neuf kilomètres environ. Parvenu au bas, la pluie redouble. Auto-stop 21°siècle, je tente l'expérience et marche à pas décidé, bras tendu, main résolument ouverte, pouce position horizontale avant, à l'adresse de celui/celle automobiliste qui immanquablement s'arrêtera ? Ainsi une marche cadencée rapide -je retrouve vite les sensations du camino de Santiago il y deux ans, mois pour mois (moi contre moi)-, pas mal de trafic, quelques frôlements intempestifs, un joli festival d'arrosages et deux heures de marche plus loin, un unique constat : aucun(e) ne s'est arrêté(e). Je m'interroge... mon habit, mon allure, ma posture, ma coiffe? un Stetson (tout de même) mais bien détrempé.
Même, je guettais: le cataphote ou catadioptre arrière des véhicules qui me dépassaient à vive allure allaient-ils subrepticement clignoter? S'allumer carrément, non je ne rêve pas d'un freinage aussi décisif que salvateur. Car pour tout dire, il pleuvait bien des cordes et mon accoutrement d'une veste légère coupe-vent mais pas du tout -pluie, et de Camper aux semelles bien usées n'étaient d'aucun secours. Même (donc), je guettais: le surgissement rouge fugitif qui allait au moins manifester l'instant d'hésitation du conducteur(trice) "je-le-prends-ou-je-le-prends-pas?!" tâtant l'espace d'une conscience la pédale de frein, et NON, reprendre sa droite accélératrice, la pédale droite dans ses bottes. Or, même pas ça ! j'ai bien regardé tout du long. Également, j'ai veillé à ne jamais relâcher mon bras (ankylose assurée), car imaginons: je l'abaisse un seul instant, douce rémission, et paf à ce moment précis survient le(la) conducteur(trice) qui m'apercevant au devant se dit: "Oh! avec toute cette pluie! s'il m'avait fait signe! alors là c'est sûr que cette fois je me serais arrêté(e)! Ce n'est pas que ça m'arrive souvent -car faut se méfier quand même, hein- mais là vraiment, pour sûr que je lui aurais proposé de monter..." Donc, ce risque là, je ne pouvais pas non plus le courir.
If you want a driver, climb inside,
Or if you want to take me for a ride,
you know you can
Parvenu à distance de vue du terme de ma route, j'abaissais résolument le bras, des fois qu'il vienne à l'idée d'un(e) de stopper, à seulement quelques centaines de mètres de mon but final*: je gâchais et la marche et ce billet.
De sorte que ce soir, au chaud de ma cellule monastique, je peux partager l'expérience et dire: l'auto-stop finalement, c'est décidément très 20° siècle, un brin rétro (ringard?) Et, "liberté, égalité, fraternité." Le changement, (virgule) c'est maintenant. Maintenant... ou un peu plus tard! Maintenant... ou bien avant?
*partir à pied pour acheter un poncho plastic contre la pluie, au supermarché de La Brillanne... Anachronique cette idée de marcher trois heures sous la pluie, dans le but final de se procurer un para-pluie, non? Et à l'arrivée, un lundi à 13 heures, bien entendu que tout était fermé. Hé oui, t'es pas à Barcelone, bêta. But go back and return, Thelma and Louise, thanks!

15.5.12

et la réponse est

ni ni *
Ni métamorphose ni transfiguration, normal quoi! Il faut dire qu'en 1981, le contexte était vraiment particulier: la gauche au pouvoir cela ne s'était pas vu depuis 23 ans, autant dire jamais pour la plupart des présents, à l'exception des plus anciens en particulier Gaston Deferre ou Pierre Mendès-France, et François Mitterrand lui-même. Le saut dans l'inconnu était béant, il lui fallait donc chausser les bottes de sept-lieues. Pourtant ce normal là, il me convient: justice, laïcité, jeunesse, fraternité républicaine, confiance, et le tout dans une grave sérénité, ça apaise et ça fait du bien. Tant que normal n'est pas banal, et en perspective de retrouver un bel élan, vite. Les législatives, et hop!
* cf. post précédent

je me souviens

Je me souviens... 21 mai 1981, nous attendons circonspects et attentifs avec d'autres confrères dans la Salle des Fêtes de l'Elysée, l'entrée de François Mitterrand qui vient de s'entretenir à l'étage brièvement et assez froidement, je l'apprendrai bien après, avec le sortant Valéry Giscard d'Estaing... Dans un silence solennel, il apparaît. Et là, transfiguration. Je me souviens en effet, comme si c'était hier, de la réflexion que je fis à mon voisin: "Regarde, il a déjà chaussé les charentaises institutionnelles, il est comme chez lui" De fait, littéralement, il planait. Ce sera du reste le principal du commentaire éditorial que j'en ferai à SOIR 3, le soir même.
 
15 mai 2012, il est 10 heures du matin, je regarde (sur internet et depuis Barcelone, différence sensible) la retransmission pour l'arrivée de François Hollande à l'Elysée... et je suis curieux et impatient de voir si je vais ressentir l'identique "métamorphose". Cela ne m'étonnerait pas en fait, pourtant je sais déjà que Francois Hollande "fera" très vite Président.

13.5.12

Breathe my dear


Chaque jour dans notre corps,
de nouvelles cellules naissent
et de vieilles cellules meurent,
mais nous ne célébrons jamais
ni leurs funérailles, ni leur naissance.


“ La vie d'une civilisation est identique à la vie d'un être humain. Elle a une naissance et une mort. Ainsi, notre civilisation actuelle devra finir un jour. Mais nous avons un rôle prépondérant à jouer quant à la rapidité de sa fin. Si la race humaine continue de vivre au rythme actuel, la fin de notre civilisation arrivera plus tôt que prévu (dans entre 120 et 150 ans). Nos manières de conduire, de consommer, la façon dont nous exploitons et détruisons les ressources naturelles planétaires accélèrent la fin de notre civilisation. Le réchauffement global est peut-être un signe avant coureur de cette mort. Si nous continuons à consommer comme nous le faisons, il est probable qu'un très grand nombre des habitants de la planète mourra et que l'écosystème sera détruit à un point tel que la vie comme nous la connaissons aujourd'hui ne sera plus possible. Le monde a connu de nombreuses civilisations avant la nôtre et, parmi celles que nous connaissons, beaucoup ont déjà péri. Tout est impermanent.


Tout est en constante transformation et rien n'a de soi séparé. Nous pouvons comprendre cela intellectuellement, mais, dans la réalité, nous avons beaucoup de mal à accepter l'impermanence. Nous voudrions que les choses et les gens, que nous aimons, ne changent jamais.
Comprendre l'impermanence n'est pas une question de mots ou de concepts. C'est une question de pratique. Ce n'est que par une pratique quotidienne de l'arrêt et du regard profond que nous pouvons faire l'expérience de la vérité de l'impermanence et l'accepter.


Pour aider à comprendre la nature de non-soi de tout ce qui existe, on donne souvent l'exemple de la vague et de l'eau. Une vague peut être grosse ou petite, monter ou descendre, mais l'essence de la vague, l'eau, n'est ni grosse, ni petite et ne monte ni ne descend. Aucun signe (gros, petit, montant, descendant) ne peut affecter l'essence de la vague. Les signes nous font rire ou pleurer parce que nous n'avons pas encore vu l'essence, c'est à dire la nature véritable, de tout ce qui est. Cette nature véritable est aussi la nôtre. Si nous ne voyons que la vague, avec ses manifestations de naissance et de mort, nous souffrons. Mais si nous voyons que l'eau est le fondement de la vague et que toutes les vagues retournent à l'eau, nous n'avons plus peur.
Une goutte de pluie qui tombe sur le sol disparaît immédiatement. Mais elle est toujours là, même si le sol l'a absorbée. Simplement, elle a pris une autre forme. Si elle s'évapore, elle est toujours là, dans l'air, sous forme de vapeur. Vous ne voyez plus la goutte de pluie, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'est plus là. Un nuage ne peut jamais mourir. Un nuage peut devenir de la pluie, de la neige ou de la glace, mais il ne peut jamais devenir rien. L'idée que nous avons de la mort, c'est devenir rien, à partir de quelque chose, passer de l'être au non-être. Mais la méditation nous permet de comprendre notre vraie nature de non-naissance et de non-mort. Un nuage, avant de se manifester sous forme de nuage, a d'abord été l'océan et la vapeur d'eau. Il n'est donc pas venu à l'être à partir du non-être. Notre vision de la naissance est juste une notion. Notre vision de la mort n'est aussi qu'une notion.
La vision profonde de la non-naissance et de la non-mort est capitale : elle dissout toute peur. Lorsque nous comprenons que nous ne pouvons pas être réduits à rien, nous sommes libérés de la peur. C'est un soulagement immense. Débarrassés de la peur, nous pouvons connaître le vrai bonheur et la paix et en faire profiter notre civilisation alors que, si nous paniquons, nous accélérons sa fin. Avec la paix en nous, il est beaucoup plus facile de trouver des solutions aux situations difficiles.
J'inspire, je sais que cette civilisation mourra un jour.
J'expire, je sais qu'elle ne peut échapper à la mort.
Une fois que nous aurons accepté cela, nous ne réagirons plus dans la colère, le refus ou le désespoir. Cette acceptation nous apportera la paix, et si nous sommes paisibles, notre civilisation aura la chance d'être en paix. Pour que cette compréhension ne soit pas seulement une notion, mais une véritable vision profonde, il nous faut pratiquer l'arrêt et le regard profond dans l'assise, la marche, la réflexion et tous nos actes quotidiens. Ce discernement va engendrer en nous les énergies de pleine conscience, de paix, d'acceptation et de non-peur et nous permettre d'apporter une réelle contribution au monde.
En tant que membres d'une même race humaine, si nous pratiquons la méditation, nous pouvons transcender la peur, le désespoir et l'oubli. Méditer n'est pas fuir. C'est l'acte courageux de regarder profondément la réalité avec pleine conscience et concentration. Méditer est essentiel à notre survie, à la paix et à notre protection commune. En fait, notre souffrance vient de nos perceptions erronées et de nos vues fausses. Rectifier ces vues fausses est la chose la plus importante, la plus urgente qui soit. Notre monde a besoin de sagesse et de vue juste, ou de vision profonde. Que vous soyez enseignant, parent, journaliste, cinéaste, ou autre, vous pouvez partager vos réalisations profondes pour éveiller votre pays et vos concitoyens. Si les citoyens s'éveillent, leur gouvernement devra agir en fonction de leur vue juste. 
Thich Nhat Hanh. Extraits de : Ce monde est tout ce que nous avons (Chapitre V LA PEUR SURMONTEE) Plum Village 2012

7.5.12

l'espoir a vaincu la peur

(et bon débarras) sans autre commentaire, pour le moment, que celui-ci : un homme sobre qui aime la vie l'a emporté sur un énervé qui boit de l'eau, métaphore et contrastes. En tous cas, magnifique parcours personnel, François Hollande ne doit sa victoire qu'à lui-même, prescience et clairvoyance, cohérence et opiniâtreté. Quant à ses qualités de tacticien, elles lui seront précieuses : Merkel, Obama, l'Europe, la Chine, et cetera et cetera.
Je goûte l'instant tranquille dans l'intranquillité des jours présents et à venir. Demain est un autre jour, certes. Cependant, au boulot ! Pas une minute à perdre, car encore les législatives, très important. Et dès à présent... l'état de grâce, ça y est, il est passé - un soir, une nuit * et un petit matin qui se dresse : chaque pas est désormais inscrit. Souvenons-nous, le Fouquet's et cinq années d'un méchant pois(s)on collé au dos. Désormais, tout compte. Et le décompte lui aussi a déjà commencé: 1825, 1824, ... tout juste cinq ans, à peine cinq ans.

*Et encore, même pas sûr. Le premier discours de président élu a été de ce point de vue plutôt décevant, genre présidentielle départementale un peu. Egalement, je me souviens si clairement du livre de Jacques Lesourne, Soirs et lendemains de fête: journal d'un homme tranquille, 1981-1984. A relire, utilement.