13.5.12

Breathe my dear


Chaque jour dans notre corps,
de nouvelles cellules naissent
et de vieilles cellules meurent,
mais nous ne célébrons jamais
ni leurs funérailles, ni leur naissance.


“ La vie d'une civilisation est identique à la vie d'un être humain. Elle a une naissance et une mort. Ainsi, notre civilisation actuelle devra finir un jour. Mais nous avons un rôle prépondérant à jouer quant à la rapidité de sa fin. Si la race humaine continue de vivre au rythme actuel, la fin de notre civilisation arrivera plus tôt que prévu (dans entre 120 et 150 ans). Nos manières de conduire, de consommer, la façon dont nous exploitons et détruisons les ressources naturelles planétaires accélèrent la fin de notre civilisation. Le réchauffement global est peut-être un signe avant coureur de cette mort. Si nous continuons à consommer comme nous le faisons, il est probable qu'un très grand nombre des habitants de la planète mourra et que l'écosystème sera détruit à un point tel que la vie comme nous la connaissons aujourd'hui ne sera plus possible. Le monde a connu de nombreuses civilisations avant la nôtre et, parmi celles que nous connaissons, beaucoup ont déjà péri. Tout est impermanent.


Tout est en constante transformation et rien n'a de soi séparé. Nous pouvons comprendre cela intellectuellement, mais, dans la réalité, nous avons beaucoup de mal à accepter l'impermanence. Nous voudrions que les choses et les gens, que nous aimons, ne changent jamais.
Comprendre l'impermanence n'est pas une question de mots ou de concepts. C'est une question de pratique. Ce n'est que par une pratique quotidienne de l'arrêt et du regard profond que nous pouvons faire l'expérience de la vérité de l'impermanence et l'accepter.


Pour aider à comprendre la nature de non-soi de tout ce qui existe, on donne souvent l'exemple de la vague et de l'eau. Une vague peut être grosse ou petite, monter ou descendre, mais l'essence de la vague, l'eau, n'est ni grosse, ni petite et ne monte ni ne descend. Aucun signe (gros, petit, montant, descendant) ne peut affecter l'essence de la vague. Les signes nous font rire ou pleurer parce que nous n'avons pas encore vu l'essence, c'est à dire la nature véritable, de tout ce qui est. Cette nature véritable est aussi la nôtre. Si nous ne voyons que la vague, avec ses manifestations de naissance et de mort, nous souffrons. Mais si nous voyons que l'eau est le fondement de la vague et que toutes les vagues retournent à l'eau, nous n'avons plus peur.
Une goutte de pluie qui tombe sur le sol disparaît immédiatement. Mais elle est toujours là, même si le sol l'a absorbée. Simplement, elle a pris une autre forme. Si elle s'évapore, elle est toujours là, dans l'air, sous forme de vapeur. Vous ne voyez plus la goutte de pluie, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'est plus là. Un nuage ne peut jamais mourir. Un nuage peut devenir de la pluie, de la neige ou de la glace, mais il ne peut jamais devenir rien. L'idée que nous avons de la mort, c'est devenir rien, à partir de quelque chose, passer de l'être au non-être. Mais la méditation nous permet de comprendre notre vraie nature de non-naissance et de non-mort. Un nuage, avant de se manifester sous forme de nuage, a d'abord été l'océan et la vapeur d'eau. Il n'est donc pas venu à l'être à partir du non-être. Notre vision de la naissance est juste une notion. Notre vision de la mort n'est aussi qu'une notion.
La vision profonde de la non-naissance et de la non-mort est capitale : elle dissout toute peur. Lorsque nous comprenons que nous ne pouvons pas être réduits à rien, nous sommes libérés de la peur. C'est un soulagement immense. Débarrassés de la peur, nous pouvons connaître le vrai bonheur et la paix et en faire profiter notre civilisation alors que, si nous paniquons, nous accélérons sa fin. Avec la paix en nous, il est beaucoup plus facile de trouver des solutions aux situations difficiles.
J'inspire, je sais que cette civilisation mourra un jour.
J'expire, je sais qu'elle ne peut échapper à la mort.
Une fois que nous aurons accepté cela, nous ne réagirons plus dans la colère, le refus ou le désespoir. Cette acceptation nous apportera la paix, et si nous sommes paisibles, notre civilisation aura la chance d'être en paix. Pour que cette compréhension ne soit pas seulement une notion, mais une véritable vision profonde, il nous faut pratiquer l'arrêt et le regard profond dans l'assise, la marche, la réflexion et tous nos actes quotidiens. Ce discernement va engendrer en nous les énergies de pleine conscience, de paix, d'acceptation et de non-peur et nous permettre d'apporter une réelle contribution au monde.
En tant que membres d'une même race humaine, si nous pratiquons la méditation, nous pouvons transcender la peur, le désespoir et l'oubli. Méditer n'est pas fuir. C'est l'acte courageux de regarder profondément la réalité avec pleine conscience et concentration. Méditer est essentiel à notre survie, à la paix et à notre protection commune. En fait, notre souffrance vient de nos perceptions erronées et de nos vues fausses. Rectifier ces vues fausses est la chose la plus importante, la plus urgente qui soit. Notre monde a besoin de sagesse et de vue juste, ou de vision profonde. Que vous soyez enseignant, parent, journaliste, cinéaste, ou autre, vous pouvez partager vos réalisations profondes pour éveiller votre pays et vos concitoyens. Si les citoyens s'éveillent, leur gouvernement devra agir en fonction de leur vue juste. 
Thich Nhat Hanh. Extraits de : Ce monde est tout ce que nous avons (Chapitre V LA PEUR SURMONTEE) Plum Village 2012

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