Traduire,
trépasser, transir.
Le
problème n'est pas de transmission mais de prédation.
(…)
Nous commençons par manger nos mères dans leur ventre puis, sortis de leur sexe, criant, nous les mangeons dans leur lait. Nous dérobons leur langue à partir de leur regard, l'étalonnant à la moue de leurs lèvres. Nous inventons le sens en échangeant des sourires. S'instruire c'est sucer les os des cadavres, les trouer, souffler dans la mort.
Nous commençons par manger nos mères dans leur ventre puis, sortis de leur sexe, criant, nous les mangeons dans leur lait. Nous dérobons leur langue à partir de leur regard, l'étalonnant à la moue de leurs lèvres. Nous inventons le sens en échangeant des sourires. S'instruire c'est sucer les os des cadavres, les trouer, souffler dans la mort.
C'est
parasiter les ruines des leurres. Nous sommes tous des voleurs. Nous
sommes tous des clandestins. Il n'y a pas un centimètre carré de la
nature que l'homme puisse revendiquer comme un territoire attribué.
Nous sommes tous fous et quand nous ne le sommes pas nous sommes
imaginaires; nous vivons entourés d'hallucinations qui
trompent mal la carence ou l'absence; et le sens que nous
procurons à tout ce que nous pouvons vivre est ce qui reste de la
face d'une mère passée dans la mort. Nous sommes tous précaires
et désynchronisés; nous commençons en avance; nous
mourrons tous avant
de mûrir.
L'originaire
est invisible.
Les
vrais messages transitent dans les corps à l'insu de ceux qui les
échangent. »
Ces quelques phrases sont extraites d'un magnifique texte de Pascal Quignard que la
Revue de la Chartreuse a publié, il y a treize ans, sous le titre: On ne transmet que l'autre monde (Avignon, numéro spécial sur la Transmission, 20 mars 2000). Ce texte -comme la Revue?- est introuvable aujourd'hui. Nous devons à Leili Anvar de nous l'avoir publiquement donné à entendre, et personnellement transmis, qu'elle en soit ici vivement
remerciée.
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