12.3.13

arbre intelligent, certo


Citadin catégorie FF - Fervent Forcené - durant quelques décennies, Parisien de surcroît, j'ai réalisé progressivement et à la faveur de changements de vie (que je ne vais pas aborder ici et maintenant) qu'un monde entier vivait autour de nous. Prise de conscience spectaculaire à mes yeux qui ne voyaient d'horizon qu'en l'enchevêtrement de la structure urbaine, et l'expression de sa quintessence dans les perspectives et leurs spectaculaires alignements.
Saut quantique, pour le moins, je me suis mis à l'écoute de la nature : concentrer mes sens dans l'intention d'en saisir quelques signes familiers, de les reconnaître d'une certaine manière, et au besoin m'en faire des alliés. Précisons que la découverte inopinée de la marche à pied me fut au départ d'un grande aide (merci à André Sabas, in memoriam).
Des années passent...
Souvent aujourd'hui je me trouve ainsi, en quelque point terrestre et de toute nature, touchant, humant, scrutant par l'oeil et l'oreille, vibrant intérieurement de sensations multiples et infinies. Sans en saisir aucunement le sens, ne cherchant d'ailleurs pas à y comprendre quoi que ce soit, plus sûr moyen de ne plus rien ressentir du tout. Par exemple, la simple action d'insérer verticalement la surface de mon dos, de la tête aux pieds, à la surface d'un arbre – voire de la saisir en l'embracant – m'apporte instantanément une sérénité et une vivification radicales. Je comprends que ce geste, un parmi bien d'autres, ait pu surprendre mes proches et au delà. Même sans doute davantage que les surprendre... comment en effet justifier par des mots ! Mieux, rassurer sur mon état (de santé mentale).





















Je viens d'entendre l'émission fort instructive d'une excellente radio* française sur l'intelligence des plantes ?, terme impropre manifestement qui a le tort d'assimiler si peu que ce soit humain, animal et plante. Disons cognition, avec réserves... mais le mieux est-il sans doute de réserver une petite heure tranquille à l'écoute de l'émission dans son intégralité. Je veux simplement transcrire ici un échange qui m'a semblé particulièrement signifiant. C'est Francis Hallé, un botaniste spécialiste des plantes tropicales qui parle; il est interrogé par Michel Alberganti; et c'est ensuite Hervé Poirier, rédacteur en chef de Science et Vie qui intervient :
F.H. Ce qui m'intéresse le plus dans les plantes c'est leur altérité par rapport à l'être humain et à l'animal, c'est ce qu'elles ont d’irremplaçable. Donc, utiliser des mots de l'être humain pour en parler leur faire perdre de l'altérité.
M.A. Comment définiriez-vous cette altérité, quelles sont les différences entre ces différents mondes ?
F.H. C'est totalement autre par rapport à nous. Comprenez bien que entre une plante et moi, il y a énormément de choses en commun : nous sommes faits de cellules l'un et l'autre, la méiose, la mitose, la fécondation, l'embryologie, etc... tout ça, c'est commun. Nous sommes assez proches finalement mais ce qui m'intéresse, c'est l'altérité, c'est à dire ce qui nous sépare : par exemple l'extraordinaire sensibilité aux marées, aux attractions des astres, aux ondes sismiques... Ce sont des choses que nous, nous ne savons pas faire. C'est pourquoi en prêtant de l'intelligence aux plantes, soit un caractère qui est le nôtre, nous les rabaissons. Elles méritent mieux que ça !
M.A. – Alors Hervé Poirier, c'est une attaque frontale !
H.P. – Je suis très sensible à la volonté de Mr Francis Hallé d'avoir une pensée spécifique sur le végétal - nous employons le terme intelligence au sens d'intelligence artificielle, rien à voir avec le cerveau bien entendu - et surtout à cet argument très simple qu'il développe, à savoir que la plante est fixe. La fixité est un redoutable défi et pouvoir bouger est une formidable ruse de la stupidité : il y a un problème, je m'en vais... Ne pas pouvoir bouger, c'est devoir faire face ! Et devoir faire face, c'est obligatoirement avoir en soi les ressorts pour toute une complexité de réponses parce que... je ne peux pas m'en aller. Cela peut expliquer en partie notre surprise que le riz ait beaucoup plus de gènes que l'homme. Découverte qui a été une humiliation insupportable ! mais le riz, lui, il ne peut pas fuir !
Bon, à méditer. Voilà.

"Il savait voir l'arbre", disait Péguy à propos de Victor Hugo

Les plantes possèdent-elles une véritable intelligence ? (Science Publique, France Culture, en partenariat avec le magazine Science et Vie qui publie ce mois-ci un dossier sur ce sujet)


Cactus COBALT123 © LICENCE CC VIA FLICKR

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