7.4.12

ne pourrais pas mieux dire

Je ne pourrai pas mieux dire, donc, tout bien réfléchi, le mieux est que je le laisse dire lui-même. Voici donc,invité par moi et malgré lui - je veux dire sans son explicite autorisation - la "chronique" (intégrale bien entendu) publiée ce jour dans Libération par Pierre Marcelle, sous le titre: Ça va cogner, paraît-il…Mais sur qui, sur quoi?

Par PIERRE MARCELLE

Tiens, les guignols barbus de Forsane Alizza interpellés le 30 mars se livraient, selon François Molins, le procureur de la République de Paris, à «des entraînements physiques entrecoupés de cris religieux» (sic)… Tiens, dix autres «individus isolés avec, pour la plupart, un profil à la Mohamed Merah» (sic), selon une source policière, ont été arrêtés mercredi par les caïds du Raid et du GIGN… Et voilà que Guéant, procureur de l’islam radical, ministre et attaché de presse des assauts toulousains, nous promet d’autres coups de main…
C’est gros mais, systématiquement accolé à l’offensive d’Al-Qaeda au Maghreb islamique dans le nord du Mali, tout ça vous met dans l’air du temps électoral un petit goût de fin du monde propice à la proclamation de tous les états d’urgence. Considérant que le président sortant regarde les investigations des juges dans ses comptes de campagne et l’affaire Bettencourt comme des «boules puantes», vous n’avez pas l’impression qu’on y est déjà, vous ? Mais non, gros bêta ! Ce n’est que la traduction d’un état de panique au sein d’une droite qui, pour enfumer l’électeur, prétend surdramatiser la campagne sur un mode à la fois outrancier et dérisoire. Parler de tout, tout confondre et tout mélanger, sur ce registre-là de la peur de tout, c’est la façon la plus efficace de préparer l’opinion à l’inéluctabilité des plans de rigueur, qu’ils soient grec, espagnol ou italien, programmés avant l’été.
Une bonne guerre, voilà ce qu’il faudrait pour tétaniser un peu plus le citoyen écrasé, non par le chômage et la misère, mais par «la dette». Une bonne guerre, mais à coups de boucs émissaires multiples - «corps intermédiaires» et syndicats, Arabes et musulmans, étrangers et immigrés, juges et magistrats, pauvres en général et profiteurs en particulier des aumônes toujours plus chiches de «l’Etat-providence», comme disent tous ceux qui n’ont de cesse que d’en finir avec la solidarité du modèle social et l’Etat de droit. Ainsi ferait-on d’une campagne deux austérités - économique et idéologique.
Car vous savez quoi ? Il paraît que «la campagne électorale ennuie les Français». Est-ce pour nous désennuyer, ces promesses de baston comme à Guignol, où Sarkozy excite le plumitif dans ses toujours fausses confidences («Je vais l’exploser [Hollande]»), où Hollande se propose de sortir de sa léthargique placidité afin d’enfin répondre aux injures que son adversaire présumé lui adresse depuis des semaines ? Et même Bayrou proclame qu’il va se mettre à «cogner»… En ce registre, c’est un comble, il n’est que la Pen en perdition qui oublie ses fondamentaux.
Ah, oui… On s’ennuie parce que la télé n’est plus en état, campagne officielle et CSA obligent, d’organiser le spectacle, raison pourquoi le risque d’abstention va galopant. Marrant, ça… Depuis que la hiérarchie des candidats a été un peu bouleversée par certain trublion qui, mettant la Pen derrière, vient fracasser le scénario d’un «21 avril» recommencé, et avec lui la singerie d’un «vote utile», les sondeurs ne semblent plus s’intéresser qu’au taux d’abstention. Je crois que l’on se fout un peu de notre gueule, là, comme dit M. Douste-Blazy, dans une de ces envolées tribuniciennes auxquelles il ne nous avait pas accoutumés.
Mais a-t-on vraiment besoin de la télé pour confronter des programmes, plutôt que s’infliger de symboliques horions ? Pour vous, je ne sais pas, mais moi, elle ne m’ennuie pas, cette campagne. Pas de «Face aux Français» sur la Une ni de «Des paroles et des actes» sur la deux ? Qu’à cela ne tienne ! Je branche le Net et je vais sur Radio Hollande conforter mes convictions de gauche… Non, c’est une blague. Je branche le Net et je vais sur le site de Place au Peuple assister au dernier meeting du Front de gauche. Comme mardi à Vierzon, je re-Mélenchon qu’il envoie, et j’observe sur le compteur le nombre de milliers que nous sommes, attentifs et curieux comme lors de la campagne référendaire de 2005, à élaborer une réflexion.
J’adhère sans retenue à cette évidence qu’il énonce que «les élites, c’est nous !». J’entretiens (mais c’est dur) l’espoir d’un débat avec ces notables socialistes qui tantôt me qualifient de «diviseur», tantôt me flattent le bulletin de vote pour me vassaliser, et tantôt, misant tout sur ma détestation de Sarkozy, me regardent comme leur rabatteur acquis. En attendant un hypothétique pétage de plombs promis à l’orateur «dépassé par son succès», je mesure l’écart entre deux mondes lorsque, dans une spéciale dédicace à Laurence Parisot - et, par ricochet, à son maître Sarkozy, le «candidat du peuple» -, il cite Robespierre : «Je ne suis pas du peuple, je suis le peuple, et je méprise tous ceux qui aspirent à être autre chose que le peuple.»
Et parce que j’ai décidément très mauvais esprit, je jouis à la grande «terreur» de la patronne du Medef.

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