1.1.13

any day now

2012 dernier jour
Excursion into philosophy, Edward Hopper, 1959
(Huile sur toile, 76,2 × 101,6 Collection privée)

2013 premier jour
Cape Cod morning, Edward Hopper, 1950
(Huile sur toile 86,7 x 101,9 Washington D.C. National museum of American Art)

d'un jour à l'autre
Barcelona, Rambla del Poble Nou, Bogatell  12.31.2012 7:00am
Temperatures air/ext.: 7°C air/int.: 16°C eau/douche: 12°C eau/mer: 5°C terre/sable: 9°
Barcelona, Rambla del Poble Nou, Bogatell  01.01.2013 7:00am
Temperatures air/ext.: 6°C air/int.: 16°C eau/douche: 11°C eau/mer: 4°C terre/sable: 8°


« Soudain la mer s'est répandue devant mes yeux et j'ai eu la sensation qu'on ouvrait mon cerveau pour le laisser libre de s'étendre après des jours entiers dans un Tupperware. Je suis descendu de la voiture et mes poumons se sont remplis de ciel et d'algues, de sel et d'iode. Sur la plage, une quinzaine de personnes prenaient le soleil, toujours les mêmes, parfois je me demandais ce qu'elles pouvaient bien faire de leur vie, pour se tenir là chaque après-midi au moindre rayon, à fixer les flots pendant des heures, comme méditant infiniment face à la mer. Elles-même devaient ignorer à quoi j'occupais mes journées, en général nous nous saluions d'un mouvement de tête, et les rares mots que nous échangions étaient consacrés à la beauté des lieux, à la manière qu'avait la lumière de tomber, la marée de dénuder les récifs, à la luminosité du sable ou à la couleur de l'eau, plus ou moins mobile, plus ou moins verte, bleue, turquoise, plus ou moins gris anthracite ou argent quand le soleil déclinait. Parfois l'un d'entre eux se levait et s’avançait jusqu'aux premiers clapotis, puis il s’enfonçait dans l'eau à pas lents, insouciant des maigres treize ou quatorze degrés qu'aurait affiché le mercure si on y avait plongé un thermomètre. Mieux valais s'en abstenir et s'en remettre à l'envie qui nous prenait parfois. Bientôt il était presque entier englouti et nageait vers l'horizon, les yeux rivés sur le ciel et les oiseaux. J'étais l'un des leurs et j'étais bien placé pour savoir qu'ainsi ils faisaient plus que se baigner, qu'il s'agissait d'un rituel étrange, d'une cérémonie qui avait à voir avec l'oubli et la réparation. Il arrivait que certains s'épanchent un peu et, les yeux embués, évoquent la chance que nous avions de vivre là. À l'expression que prenait leurs visages, au ton qu'affectaient leurs voix, je comprenais qu'il ne s'agissait pas seulement d'une simple satisfaction de vacancier ou de touriste. Non, quelque chose de plus profond les liait à ces paysages. J'avais la sensation qu'ici chacun était venu pour se sauver. Chacun tentait de faire peau neuve. Chacun fuyait sa vie son passé son présent ses fantômes, essayait de les tenir à distance et de les noyer quotidiennement en fixant l'étendue marine, et plus encore en s'y plongeant comme on se lave. J'ai enfilé un maillot et me suis enfoncé dans l'eau glacée. L'eau me mordait les bras à faire mal, gelait ma nuque... »
Les Lisières, Olivier Adam (Flammarion 2012)

d'un an à l'autre
Bonne année !!

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