16.12.13

Allô! t'es où?

KLE 33 79, à ne pas confondre avec KEL 33 79, l'un est KLEber l'autre KELlermann. Et, évidemment, cela n'a strictement rien à voir. C'est comme 75 et 92. L'un, c'est Paris; l'autre, c'est l'autre. Trivialement, si j'ose dire, ce serait comme Schmit et Schmidt.
Moi j'aimais bien ces dénominations lettrées (téléphonique) ou chiffrées (immatriculation) qui nous donnait à voir instantanément où et donc d'une certaine manière comment et à qui on avait affaire. Pas du tout politiquement correct ce que je suis en train d'écrire, j'en suis bien conscient. Cependant, je poursuis.
Déjà, on s'évitait cet affreux et hélas immanquable «t'es où!», voire pire «t'es d'où?», préambule justifié par la nécessité pour deux êtres qui se joignent –oui, se contacter, c'est aussi se joindre– de se situer mutuellement. Nécessité impérative quasiment, on n'y échappe peu. Pour ma part, je le confesse à mon corps défendant, c'est le cas de le dire, je n'y échappe pas toujours.
C'est à l'écoute d'une émission radiophonique dominicale culturelle française ou plus exactement d'une émission dominicale sur une chaîne radiophonique culturelle, que m'est venue l'idée de ces lignes: un intervenant à moins que ce ne soit une intervenante (il y avait l'une et l'autre donc il se peut que la confusion ici surgisse) définissait ce allo-t'es-où par ce besoin irrépressible de l'Autre que notre société virtuelle et réseautée annihilait, etc etc.
Je songeais prosaïquement qu'il s'agissait plus simplement d'un besoin pragmatique voire purement technique de qualifier géographiquement et au delà, son interlocuteur; besoin qui a surgi tout simplement avec l'arrivée du mobile (téléphone portatif, portable puis transportable) et successivement, plus radicalement encore sans doute, de tous ses dérivés, succédanés et même avatars*.
Ce n'est pas une critique mais un constat: si l'on s'en tient aux seuls instruments courants on ne sait plus naturellement d'où l'on se parle et d'où l'on vient. Mais, est-ce grave?
La réponse est sans doute multipliée par le nombre croissant d'usagerset relativement stable de transportés compte tenu des accidents mortels et de la relève naturelle des générations– je ne puis que donner la mienne qui n'a donc de valeur indicative qu'à mon horizon personnel, ce qui je le reconnais limite sacrément l'ambition de ce qui veut être un blog planétaire, et son post de la même dimension.
Moi, je regrette un peu le déficit d'identification dans l'usage courant qui permettait de se relier aisément et spontanément à une strate instantanément riche d'informations – que celles-ci soient connotées ou non peu importe, cela relève (relevait) de la conscience de chacun(e).
En même temps, car mon cœur balance sinon ce serait trop simple, j'apprécie par ailleurs une certaine forme d'anonymat urbain, je le recherche même d'une certaine façon, vivant en Europe certes mais à l'étranger tout de même depuis plus de quinze ans. Choix délibéré qui entrerait en contradiction avec le sujet même que je traite ici s'il me vient à en regretter les aspects, KLE & 75. Hé bien non, ce n'est pas contradictoire. On a jamais trouvé que la verticale et l'horizontale étaient incompatibles! Ainsi pourrait-on dire que la verticale de l'identification géographique –arbre comme emplacement: domicile, bureau, café, cabine téléphonique– et l'horizontale de la communication immédiate, quasi instantanée, se combineraient harmonieusement dans l'évitement d'un questionnement autant systématique qu'ordinaire. Nous l'éviterait, je veux dire.
Vous avez tout suivi? Moi non plus.

*En réalité, je serais bien en peine de proposer là tout de suite un seul exemple d'avatar mais je compte bien sur la théorie de l'évolution, et donc j'anticipe; sans grand risque d'être plus tard démenti. L'avatar, ça viendra, forcément!

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