15.10.12

pré psy

« Quand le passionné s'est assuré qu'il n'est pas malade, et que rien ne l'empêche, pour l'instant, de vivre bien, il en vient à cette réflexion : "Ma passion, c'est moi ; et c'est plus fort que moi."
Il y a toujours du remords et de l'épouvante dans la passion, et par raison, il me semble ; car on se dit : "Devrais-je gouverner si mal ? Devrais-je ressasser ainsi les mêmes choses ?" De là une humiliation. Mais une épouvante aussi, car on se dit : "C'est ma pensée même qui est empoisonnée ; mes propres raisonnements sont contre moi ; quel est ce pouvoir magique qui conduit ma pensée ?" Magie est ici à sa place.
Beaucoup ont écrit là-dessus ; et les stoïciens nous ont laissé de beaux raisonnements contre la crainte et contre la colère. Mais Descartes est le premier, et il s'en vante, qui ait visé droit au but dans son Traité des Passions. Il a fait voir que la passion, quoiqu'elle soit toute dans un état de nos pensées, dépend néanmoins des mouvements qui se font dans notre corps ; c'est par le mouvement du sang, et par la course dont on ne sait quel fluide qui voyage dans les nerfs et dans le cerveau, que les mêmes idées nous reviennent, et si vives, dans le silence de la nuit. Cette agitation physique nous échappe communément ; nous n'en voyons que les effets ; ou bien encore nous croyons qu'elle résulte de la passion, alors qu'au contraire c'est le mouvement corporel qui nourrit les passions. Si l'on comprenait bien cela, on s'épargnerait tout jugement de réflexion, soit sur les rêves soit sur les passions qui sont des rêves mieux liés ; on y reconnaîtrait la nécessité extérieure à laquelle nous sommes tous soumis, au lieu de s'accuser soi-même et de se maudire soi-même. On se dirait : "Je suis triste ; je vois tout en noir ; mais les évènements n'y sont pour rien ; mes raisonnements n'y sont pour rien ; c'est mon corps qui veut raisonner ; ce sont des opinions d'estomac." »
homonyme, 9 mai 1911

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