5.7.07

Lettre timbrée 20 €

« Ségolène Royal, elle fait de la politique avec son c.. »
Lui, c’est le "militant historique", responsable de la section du parti socialiste du Portugal. Moi, je suis le "militant à 20 euros", tout fraîchement débarqué dans la planète socialiste en cette fin de printemps 2006 pour soutenir la candidature de, évidemment, Ségolène Royal. Et moi, au milieu de ce café de la place Londres de Lisbonne, où il m’a été donné rendez-vous pour une première prise de contact, face à ce type qui est censé m’accueillir au sein de la grande famille... je reste abasourdi ! Cet homme, je ne le connais pas, il ne me connaît pas. Nous parlons depuis dix minutes à peine et il me balance ça, avec tout la masse de son ancienneté, comme une évidence incontestable. Choqué par tant de cynisme - surtout d’ordinarité - je manque quitter les lieux et le lui dit. Il se radoucit... ce sera mon seul contact avec la section socialiste jusqu’au vote interne.
Puis, basta.
De ce jour, je compris que jamais Ségolène Royal ne serait acceptée au sein de la "famille" socialiste, la caste. Qu’elle pourrait être désignée comme candidate par la force des choses - notamment par celle de mon vote... et de quelques dizaines de milliers d’autres équivalents - et d’un concours de circonstances exceptionnellement favorables - sur lesquelles beaucoup à déjà été écrit dans ces pages (et reste à écrire mais je n’y reviens pas) mais, que dans le tréfonds de son ego machiste - hommes et femmes confondus -, de son arrogance feutrée et de sa morgue naturelle, jamais la spontanéité et une certaine fraîcheur alliée à la distance autonome affichée par l’usurpatrice, ne sera acceptée, ni même tolérée.
Ce fut le cas. Ça l’est. Ce le sera chaque jour davantage, je veux bien le parier.
À chaque étape de ce parcours admirable de courage et de rectitude - oui, je dis bien "rectitude", comme bravitude - tous les signes ont été là : à droite UMP voire en deçà, on lâchait comme un crachat : "La Ségo !" À gauche PS, avec mépris et commisération, on non-disait  "Ségolène" avec lippe mordante et sourictus carnassier.
Alors... aujourd’hui ?
Sincèrement, Madame Royal, je ne vois pas ce que pouvez espérer ou attendre de ce parti socialiste là ! Comme prévu et c’est d’ailleurs sa fonction centrale et son principal savoir faire, la direction multi-têtes - celle là comme bien d’autres - a fait la synthèse pour durer. Rien de neuf à l’horizon. L’art de la motion et de la synthèse est au parti socialiste ce que l’art du compromis est à la commission de Bruxelles. N’y voyez pas de mauvais esprit, seulement un clin d’œil au désormais célèbre "plan B" - comme Bermudes - et de la digestion ni une ni deux qui s’en est suivie. J’ai personnellement voté oui - et plutôt deux fois qu’une - mais j’ai été fortement irrité par la campagne affirmative des tenants du Oui, ne laissant aucune échappatoire. Toujours ce mépris pour l’autre, différent. Insupportable !
Cette même auto certitude, comme on le dit de l’auto satisfaction, revient. Vous ne pouvez pas ne pas le voir ! Même, vous le voyez plus que quiconque, après tout ce qu’ils vous en ont fait voir non ? En "sous adhérence" à 20 euros, moi, je suis illégitime. Mais, en extra adhérence, vous l’êtes tout autant, finalement ! Nous sommes ainsi des millions d’illégitimes.
Plutôt sympathique non ?
Alors, il vous faut continuer... reprendre la bâton de pèlerin - enfin, un peu moins catho inspirée quand même si possible - pour la longue marche hors des sentiers battus. Mais le contre-pied n’y suffira pas. Avec Michelle Bachelet au Chili, alors que pour le coup* ils étaient tous là - rivalisant de chapeaux et de postures - pour l’Anniversaire... Ça, c’était bien ! Mais, la confusion des dernières semaines, les sauts de côté par ci par là, ce n’est pas de niveau. Tiens par exemple, vous avez eu le courage et la liberté de tendre la main à Bayrou - de droite, quand même...- et de manifester clairement l’autonomie de votre démarche. 
Parenthèse : avec ma femme, nous avons beaucoup aimé la couverture des Inrocks, la photo comme le titre - "l’Affranchie" - et jugé aussi, bien peu ardente à votre endroit, la presse féminine. Que n’eussiez-vous été Afghane ou Iranienne... !
Donc, Bayrou, c’est bien. Mais il faut aller plus loin ! En fait, je veux dire... moins loin, tout près même : ce samedi, quelques vibrions qui ont (eux aussi) de la suite dans les idées, se réunissent à Paris pour réfléchir, sans a priori ni tabou, à la rénovation (refondation) de la pensée et de l’action politique à gauche.
A gauche justement, ça tombe bien, vous êtes de gauche...! Allez, fendez vous d’un petit bonjour aux chers soixante-huitards qui le méritent bien ! Le Sénat* pour une rencontre, ce n’est pas plus loin pour vous que Solférino, ou n’importe quel hôtel parisien. Pour moi, si, c'est un peu loin... je n’ai pas trouvé de billet à 20 euros dans un vol low cost pour venir. A mon grand regret, je n’y serai donc pas, physiquement. Seulement physiquement. C’est vrai qu’ils ont raison : On a toujours le droit d’inventer.
Et puis, tout de suite après, immergez-vous à nouveau dans la démarche participative. Relancez radicalement Désirs d’Avenir, avec un site fortement interactif. Immergez-vous dans tous les milieux, culturels, intellectuels, artistiques, ceux des chercheurs et des scientifiques, des innovateurs, des jeunes de toutes conditions et origines, surtout les jeunes. Et dans toute l'étendue et la richesse de notre territoire du 21ème siècle - l'Europe et au delà. L’été, la vie continue, ne laissez pas retomber le soufflet. Chaque jour compte. Ainsi, densifiez votre trace. Et nous la suivrons, à 20 euros ou plus.

*de Jarnac
**Lieu de réunion publique à la suite de l’appel "on a toujours raison de vouloir inventer"- publié par le journal Libération le 11 juin - lancé par Daniel et Gabriel Cohn Bendit, Christiane Taubira, Joël Roman, Jean Pierre Mignard et Jean Yves Le Drian, notamment

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