28.11.09

Néonazi et néokozy

L'écrivain américain Percival Everett à propos de la microcosmique affaire Marie NDiaye : "L'attaquer pour ce qu'elle pense de la politique de son pays, c'est du pur fascisme. Je ne pense pas beaucoup de bien des Etats-Unis, mais la chose qui est vraiment appréciable, c'est la liberté totale d'expression. Dans notre pays, la ligue pour la protection des droits des citoyens a défendu la liberté d'expression des néo-nazis. Même si on déteste entendre ce que les néo-nazis ont à dire, il faut apprécier le fait qu'ils ont le droit de s'exprimer et que personne ne peut vous dire ce qu'il faut penser. C'est tout simplement ridicule."
And, so what ? Tolérer en France l'expression libre des mouvements néo-nazis ! Moi, je ne l'imagine pas.
Cependant cette position, si naturellement et clairement exprimée par l'auteur de (le) Supplice de l'eau, qui dénonce la politique militarisée de Bush, me fait réfléchir. La garantie de Mon droit d'expression le plus large, le plus extrême, le plus fou... passe par l'acceptation du Sien*. Alors que je m'apprête à en user -largement ?- sur ce blog (exemple parmi d'autres) quelle position me dois-je d'adopter, pour être cohérent ?
Car évidemment que j'ai jugée grotesque voire infantile, la réaction de E.Raoult-dans-les-brancards condamnant en auto-urgence (10/11/09) des propos tenus trois mois auparavant (18/08/09) par un écrivain -pardon mais je n'arrive pas à m'y faire à "écrivaine" et pourtant je m'honore qu'on me qualifie de féministe (ce qui n'est généralement pas lancé comme compliment!)- pour un prix qui n'était et pour cause pas encore décerné (02/11/09). Et quand bien même... l'aurait-elle déjà reçu ce prix X ou Y, qu'est-ce que cela y changerait ? Et le Goncourt, quand même, il ne faut pas charrier ! À quand les caricatures de Drouant (le resto) puis les manifs "spontanées" organisées par des maisons d'édition ? Atteinte à... À quoi au fait ? Bernard Pivot, membre de la dite académie, a bien raison d'en rigoler.
La sortie de E.Raoult vient s'ajouter à l'odieuse complaisance des ministres et sous affidés déculottés, en défense du Prince Jean, et, de façon plus lointaine mais tout aussi présente à mon esprit (tordu et vicieux de sale ex-journaliste), aux lâches gloussements complaisants de bon nombre de "confrères", voletant -telles des ouailles époumonées en salle des fêtes du Palais- à l'honteux secours du mépris Sarkoziste, réponse à la pertinente (et normalement courageuse) question de Laurent Joffrin à propos des dérives d'hyper-présidence, lors de la première et unique conférence de presse présidentielle.
Et Frédéric M. quelle amère déception. Mais l'amère va et vient, ainsi du large soutien dont il a -à juste titre - bénéficié à propos de au fait... d'un livre, non ? Homonymie n'équivaut pas garantie. Même, peut faire leurre.
C'est grave, très grave selon moi, ce retour du "devoir de réserve". Car cela peut nous entraîner loin. Trop loin, déjà maintenant. Sans revenir sur des expériences ou souvenirs personnels (je ne m'interdis toutefois pas de le faire un de ces jours et traiter radicalement de l'auto-censure) cette notion de "devoir de réserve" qualificative de toutes les interprétations abusives -un peu du genre "trouble à l'ordre public"- donne droit à n'importe qui de condamner n'importe quoi. Et, généralement, c'est à sens unique.
Mais revenons à la problématique posée par Percival Everett, car je le reconnais, elle me pose sacrément problème. Quand Le Pen passe à la télé, je coupe le son. Ma femme est encore plus rapide que moi dans l'exercice. "Le Poux" qu'on dit à la maison ! Cependant, il est vrai que du temps où j'exerçais dans les médias nationaux (français) j'ai toujours défendu que Le P. etc puisse s'exprimer librement. Au nom de la liberté d'expression et aussi d'une certaine cohérence : lorsque des années plus tôt (je parle des années 70 et 80 surtout) s'est posée à intervalles réguliers -au rythme de l'opportunisme de chaque camp- la question de l'interdiction du Front National, la réponse -ou plutôt la courageuse non réponse des pouvoirs successifs- a été de ne pas donner suite. A partir de de ce moment là, il faut en assumer toutes les implications. Ou alors on fait comme en Birmanie (LND) ou en Algérie (FIS) on annule le scrutin et on interdit le parti vainqueur.
Alors donc, pour ce qui est de la polémique actuelle, comment faire ? Car non seulement Marie NDiaye dit des choses parfaitement sensées, que j'approuve avec (obligation de) réserve -ah ! que n'ai-je le Goncourt, merde- de mon balcon Barcelonais, mais elle a sacrément du talent. Or donc, face à cette liberté souverainement revendiquée, je devrais a contrario me coltiner celle (la liberté) d'un néo-nazi enfumé, haineux, négationniste, et de surcroit, vulgaire et laid ?!
Hé ben oui, voilà. C'est le prix net, sans Tva réduite aux acquêts. Ça va être dur, je sens. Même, comme je vois nos sociétés évoluer, ca être de plus en plus dur de revendiquer -et de tenir mordicus- la tolérance, l'altruisme, la compassion, la fraternité (merci Ségolène de nous l'avoir liftée), bref l'humanisme comme fin et comme moyen. Je veux bien essayer, mais franchement je n'y mettrai pas ma main à couper**.

PS. Nous n'avons pas quitté le France de Sarkozy en 2007, mais celle de Chirac en 1996. Depuis cela ne s'est pas vraiment arrangé.

*Tout autre que moi
**encore que, avec le clavier on peut désormais taper de la gauche...

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