9.12.11

le vol, une perte?

Depuis le vol (1) il ne se passe pas une heure sans que je remarque amèrement le manque de tel document, texte, manuscrit, photo. Traces intimes rassemblées au fil des ans: dix, quinze, vingt ans peut-être (¡sans sauvegarde sauvegardée!). Ceux qui volent ainsi sans réfléchir, ni sélectionner, savent-ils la meurtrissure insigne qu'ils provoquent, immanquablement? Non, je ne le pense pas, sinon ils pourraient imaginer qu'ils encourrent une peine si lourde qu'elle les dissuade tout à fait d'emporter.
Immédiatement, j'ai pensé à Francois Nourissier. Non pas tant au livre qui en fut issu, "Le manuscrit", mais à l'instant même de ce qui se produisit le 26 juillet 1994 à l'aéroport de Marignane où lui fut volé son manuscrit, sans autre copie et pour cause - pas comme sans sauvegarde sauvegardée. Car je me souviens fort bien de ce que je ressentis à l'époque, une empathie quasi fraternelle pour cet homme, que pourtant je n'appréciais guère - je parle de l'homme non de l'écrivain - et j'échafaudais tout, sa fureur, son dépit, sa résignation, l'acceptation (dans l'ordre) puis la résurgence.
Et voilà que cela m'arrive! Bon, il ne s'agit pas à proprement parler d'un manuscrit - encore que la somme des textes en mémoire... - mais d'une foule d'éléments constitutifs de tout ce que je fais et suis depuis un bon moment, et de plusieurs manuscrits notamment. Pour moi, perte immense, irrattrapable. En même temps - "en même temps" dit Blak - l'allègement et la radicale rénovation (re-novation) soudain incontournable. Une fois l'esprit apaisé, assez rapidement en fait, je vois l'un et je vois l'autre, concluant: c'est ainsi et c'est bien ainsi. Taisant ma fureur, mon dépit, sautant les étapes vers l'acceptation, voire la compréhension positive.
Méconnaissable, ce moi-même que j'observe là. Bien sûr l'antienne, "ce que tu as fait, tu peux toujours le refaire..." en mieux. Oui, sauf la trace. Souvenirs, images et mots, mnémo- surtout, tous ces signes indicateurs qui réveillent, font ressurgir et révèlent des situations, des personnages, des rencontres. Irrécupérable. Cela fait beaucoup pour un seul homme...
Mais enfin, bon vent! Le transporteur, ce vent qui emporte feuilles et lettres.
Perdre ce que l'on a n'atteint jamais en valeur ce qui fait (ferait) perdre ce que l'on est. Axiome (2): la perte de A menace-t-elle Est? Dans la durée je ne le crois pas mais dans l'instant, si, sûrement. Nos déterminismes, repères traditionnels et références sociales, sont bouleversés, chamboulés. Mais après, rien. Ce qui vient chasse tout, recouvre, efface. Ce qui vient l'emporte toujours. J'en déduis, les alliés sont: le vent et ce qui vient. "Let things come to you" mantra du pauvre sur un sachet de YogaTea... pas si mal que ca, au fond! Feuillages, feuilles, feuilles de thé... "sois plume et tais-toi".

(1)cf. billets précédents, en particulier L'ami Jean
(2)Larousse: répétition continuelle et lassante de quelque chose

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