7.12.11

ombres - sombras

Jeux de lumières, de voix et de sons, de textes, de voies et d'essence, de corps envolés tournoyants ludiques.

Acte I - Le soleil a-t-il une ombre? Je veux dire intrinsèquement, une ombre qui lui revient en propre (figurée) et qui serait présente quelque part dans l'univers au gré de son évolution, selon une forme invisible à notre humaine perception, mais bien réelle? Pourquoi pas! J'y songeais, nageant avant qu'il ne se lève n'ayant pas encore émergé, je l'imaginai à l'horizon embusqué sous sa bande rougeoyante, mesurant prudent à tâtons notre surface.
Ce long filet indistinct ne serait-il pas l'ombre annonciatrice de l'astre, comme un porte-voir.
Ombre projetée.

Acte II - Kafka sur le rivage, Haruki Murakami.
"(Otsuka):
–  Votre problème, à mon avis... Votre problème, c'est que votre ombre est un peu effacée. C'est ce que je me suis dit dès que je vous ai vu. Votre ombre, sur le sol, est moitié moins sombre que celle des gens ordinaires.
–  Oui?
–  J'ai déjà rencontré quelqu'un comme ca, une fois.
Nakata ouvrit légèrement la bouche, et regarda fixement le chat.
–  Vous voulez dire que vous avez déjà rencontré quelqu'un comme moi?
–  Oui, du coup je n'étais pas tellement surpris de voir que vous saviez parler aux chats (...)
–  Ah...
–  Aussi je pense que plutôt que de chercher des chats égarés, vous feriez mieux de vous mettre sérieusement en quête de la moitié manquante de votre ombre."
Ombre manquante.

Acte III -
Je connais cette femme, je l'ai déjà vue quelque part dans la rue à Barcelone, il y a peut-être deux ou trois ans. Je l'ai vue, je l'ai même remarquée dans sa facon singulière et altière de se tenir. Alors lorsque son visage m'est apparu dès la première image du court-métrage d'Andrès Duque*, j'ai immédiatement fait le lien. Cette femme parle au monde, sans intermédiaire. Sans qu'il lui soit besoin d'inter-locuteur(s).
Ici c'est un jeu captivant de règles et d'équerres posés au sol, alignés et emboîtés, croisés également, ou animés dans l'air... indiquant dirigeant tracant, tout à tour flèches, sextant, amulettes. Avenida Paral-lel avec Paralel 10 une ligne géographique qui traverse 22 pays, dont les Philipinnes de Rosemarie la bien nommée. Film syllabique, alphabet métaphysique.
Ombre accompagnée.

Acte IV - Court métrage, le même. Il se termine par le chant assuré d'un jeune -philippin?- se produisant en karaoké sur un air de Frank Sinatra. Son image progressivement s'efface, laissant place à l'installation technique et le son reste intact.

Ombre effacée, dans le play bach dissout qui entendre, qui croire? Et surtout, à quoi se fier? Virtualités, le siècle nous interpelle à chaque instant. L'apparence elle même n'est plus certaine.
Ombre dissoute.

Acte V - Il se projette, s'envole et se déploie tout au long du mât rendu mobile par une installation sophistiquée, qu'il a concue et fabriquée de ses mains. Acrobate félin (on retrouve le chat), jongleur de postures, humoriste.
Elle joue live pianos et accordéon, s'accorde à lui, parfois enclenche "l'home que perdia esl botons"**.
Autour, une bonne centaine d'yeux, désilliés par la grâce, captés.
Magique.
Cela se produit à ciel ouvert chaque jour de cette semaine et jusqu'à dimanche dans la sobre et sculpturale entrée de la Caixa Forum de Montjuic. Si vous lisez ceci et êtes à Barcelone, courrez-y!
Tout de suite je pense à Tati, Jour de Fête, le lien avec le cinéma est pour moi évident, plus encore avec le muet. Je m'en ouvre à l'acteur qui conduit la compagnie Circ Pànic:
...et avec un grand écran en transparence sur lequel serait projeté simultanément la performance...?
Oui, comme en ombre chinoise! acquièsce réfléchissant Jordi Panareda.
Voilà, avec le musicien (musicienne en l'occurrence, Claudia Gómez Blasco qui inaugure cette session live et, selon moi, cela change tout) jouant en pied d'écran comme à l'époque du muet.
Spectacle spectaculaire et cinématographique, enchanteur. Enchanté!
Ombre portée.

Gare à ton ombre !
Cuidado con tu sombra, hombre !

*Paralelo 10 (2005) projection 10h-21h jusqu'aù 31 décembre (Caixa Forum de Montjuic)
**"l'home que perdia esl botons...", les boutons représentant ici une allégorie, il s'agit en fait de l'homme qui se dénude -se défaisant...de ses défenses précisement, soit de ses oripeaux  (déf. dictionnaire au figuré: ornement trompeur, faux éclat masquant le réalité). L'homme se présente comme nu, car unique valeur réellement existante.

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